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L’affaire des sous-marins et du contrat australien

Un camouflet pour la France, bon élève de l’Otan

par Philippe Allienne
Publié le 24 septembre 2021 à 11:51

En dépit des cris d’orfraie lancés par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, faut-il réellement s’étonner de la rupture de contrat des sous-marins par le gouvernement australien ? L’attitude américaine, dans ce dossier, ne peut en fait surprendre.

L’humiliation de la France est indiscutable. L’annonce brutale du gouvernement australien, le 16 septembre, avait de quoi jeter un froid. Il s’agit après tout de la rupture d’un « contrat historique » (56 milliards d’euros) qui, comme le rappelle le Groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste, au Sénat, devait mobiliser environ un millier de salariés sur une très longue durée. Mais l’émotion passée, pourquoi les États-Unis auraient-ils accepté que la France joue un rôle stratégique majeur, via sa relation avec l’Australie, dans un conflit avec la Chine ? Comme le dit encore le groupe communiste au Sénat, « l’élection de Joe Biden à la tête des États-Unis signe le retour en force de Washington dans la zone, et l’affirmation claire que seuls les États-Unis entendent être les patrons de la croisade anti-chinoise ». La France se sent d’autant humiliée qu’elle se conduit comme le bon élève de l’Otan. Mais notre pays, sous l’égide du président Macron, a aussi tendance à vouloir jouer un rôle autonome, ce qui gêne considérablement les États-Unis. « Emmanuel Macron, dit Fabien Roussel, député du Nord et candidat à l’Élysée, doit quitter le commandement intégré de l’Otan et revenir sur la décision prise par Nicolas Sarkozy en 2009. » Il ajoute qu’« il n’y a plus de place à des traités atlantiques qui datent de la Seconde Guerre mondiale ». C’est très certainement la bonne réponse politique. Mais on devine aisément que le président français ne suivra pas cette voie. Emmanuel Macron, pas plus que d’autres, ne propose une force européenne autre ou extérieure à l’Otan. Il aime parler autonomie mais il joue le consensus au sein de l’Europe. La France a par ailleurs voté la mise en place d’une politique européenne de défense et de sécurité. Mais il faut garder en tête que l’Otan elle-même est favorable à une autonomie décisionnelle et à un rôle plus important de l’Union européenne. Lors du sommet de l’Otan à Bruxelles, en juillet 2018, en présence d’Emmanuel Macron, une déclaration commune certifie que « l’Otan reconnaît l’importance d’une défense européenne plus forte et plus performante. Le développement de capacités de défense cohérentes, complémentaires et interopérables, évitant les doubles emplois inutiles, est essentiel pour nos efforts conjoints visant à rendre la zone euro-atlantique plus sûre ». Cette déclaration salue « l’appel à un nouvel approfondissement de la coopération Otan-UE ». En même temps, l’Otan tient à garder la hiérarchie existante. Elle demeure la base de la sécurité commune et des orientations qui en découlent pour tous les États membres, dans l’espace euro-atlantique et au-delà. Preuve du lien concret et pérenne entre l’Otan et l’UE : les exercices militaires qui se succèdent. Ils sont souvent réalisés à l’initiative de la France ou sous son commandement. Du 27 septembre au 9 octobre 2020, par exemple, l’opération maritime « Dynamic Mariner 2020 » « visait la “certification’’ de la France au commandement d’une grande opération de l’Otan »« Un réalignement stratégique de portée mondiale ». Elle a impliqué sept pays de l’alliance atlantique et des milliers de militaires. On peut aussi évoquer l’opération « Orca » en novembre 2020, un exercice commun de lutte anti sous-marine, au large de Brest, à l’initiative de la France. En septembre 2020, Emmanuel Macron et la ministre de la Défense Florence Parly se sont rendus en Lituanie dans le cadre de la « présence renforcée » de l’Otan face à la Russie. Autant d’exemples montrant combien la France est un excellent élève de l’Alliance atlantique. Voilà qui contredit superbement le discours présidentiel d’Emmanuel Macron sur une « distanciation européenne et sur la nécessité d’une puissance et d’une souveraineté européenne ».