Simon D. respire. Pour ce garçon calme et studieux, lycéen en Première générale, la perspective de passer l’oral de français ne pouvait que le stresser. Pendant toute la période de confinement, lui, comme tous les autres lycéens, n’avait aucune autre information que les déclaration du ministre Jean-Michel Blanquer le soir au journal télévisé. « Il apparaissait certain que l’oral serait maintenu, dit-il. Mais pour le reste, nous savions qu’il nous fallait étudier les quinze textes prévus. En janvier, on nous avait annoncé vingt textes. Mais le ministre en avait retiré cinq. Au moment du confinement, j’avais personnellement étudié onze textes en classe. Restaient les quatre autres. Je ne suis pas sûr qu’un texte préparé et étudié hors confinement et un texte préparé en confinement, donc par moi-même, aient le même niveau. Je ne pense pas que j’étais prêt pour les quatre textes que j’ai étudié chez moi, surtout quand on sait qu’il s’agit d’un oral long et avec beaucoup de choses à dire. Si vingt minutes avant l’épreuve j’étais tombé sur un texte vu pendant le confinement, j’aurais eu très peur. » Heureusement, l’annonce du ministre de l’Éducation, qui supprime l’épreuve, a balayé cette crainte. Pour Simon, ce n’est pas du luxe, d’autant qu’il se prépare maintenant pour le bac nouvelle formule. « Cette nouvelle formule devait s’étaler sur deux ans, nous avait-on dit. Il n’y aura finalement qu’une seule année. En entrant en Terminale, nous seront sur une entre-réforme, avec les bases d’une réforme et celles d’un ancien bac. On ne nous l’a pas annoncé. Ça, ce n’était pas prévu ! » En tout cas, le confinement n’a pas découragé Simon. Durant cette période, il a essayé de garder un rythme au plus près de son emploi du temps. « Tous les jours je commençais à 9 h et j’arrêtais les cours à 17 h comme si j’étais au lycée. Le mercredi après-midi, je ne travaillais pas. Cela me permettais de savoir si les profs nous mettaient beaucoup de devoirs, s’ils étaient dans la norme ou pas assez. Généralement, les professeurs étaient plutôt réguliers. Je n’avais pas énormément de travail mais j’avais de quoi occuper mes journées. » Détail important, il disposait d’un ordinateur pour lui seul. « C’est vraiment une grande facilité car je ne suis pas dépendant de quelqu’un. Je pense que j’ai passé un confinement pas très compliqué. J’ai su m’adapter. » Pour l’enseignement à distance, il y avait les outils mais tous n’étaient pas entièrement satisfaisants. « Avec la plate-forme Zoom,nous étions toute la classe, soit 36 élèves. Il fallait demander la parole par écrit. » En revanche, une autre plate-forme, très simple, permettait de partager les écrans et les cours. Le professeur pouvait proposer trois créneaux dans la journée, avec des classes de douze élèves permettant de faciliter les échanges. Mais l’enseignement à distance, avec visio-conférences ou pas, ne peut remplacer réellement les cours sur place. Certaines matières ont été plus difficiles à enseigner et ont pu prêter davantage à décrochage. « Pendant le premier mois du fonctionnement, observe encore Simon à propos d’un cours en particulier, nous n’avons reçu aucun mail et soudain, nous recevons un message nous demandant si l’on a bien étudié tels chapitres de tel cours. Nous avons eu beaucoup de devoirs pendant un mois mais sans que l’on nous dise quoi que ce soit, sans nous donner de ligne. Comme si le prof estimait que nous nous débrouillions seuls. » Le lapsus de Jean-Michel Blanquer, confondant « vacances » et « confinement » n’est pas passé inaperçu. Simon ne s’en étonne pas. « Plein d’élèves se sont bien organisés en travaillant le matin et en jouant ou lisant l’après-midi. Nous avons trouvé, inventé de nouvelles formes d’organisation. C’est en tout cas vrai pour la plupart des élèves de ma classe. Mais souvent, de l’extérieur, on ne retient que la partie jeux vidéo. Et alors, on dit que nous sommes en décrochage. » Autre cas, autre problématique. Pour Mounir A., élève en Quatrième, le confinement continue. Pour des raisons liées à sa santé, sa mère n’a pas souhaité qu’il reprenne le chemin du collège le 8 juin comme prévu. Mais elle s’inquiète. Comme de nombreux parents avant le confinement, elle se demandait si elle devrait avoir un niveau Bac +5 afin d’expliquer les maths à son enfant. C’est que le suivi n’a pas été de tout repos. « Il me fallait être très présente pour qu’il fasse ses devoirs et les envoie à temps. Je me suis retrouvée propulsée prof d’anglais, d’espagnol, d’histoire-géo, physique-chimie, maths, etc. » De l’autre côté de la plate-forme d’enseignement à distance, il y avait jusqu’à huit professeurs qui envoyaient les cours et les exercices. Difficile de suivre et de veiller à ce que l’élève, parfois distrait, renvoie les copies dans les délais. « Il y a eu des loupés, raconte la mère de Mounir. Et c’est moi qui me suis faite attraper par l’enseignant ! » De fait, si dans ce collège les professeurs ont envoyé beaucoup de devoirs, la communication a souvent fait défaut, contrairement à ce qu’il se passait avec le lycée où est scolarisé Simon. Et en cas de devoir rendu en retard, la sanction était sans recours : zéro. Le collégien affirme cependant avoir beaucoup travaillé et n’avoir manqué aucune visio-conférence. Il se félicite d’avoir récolté plusieurs bonnes notes qui, « malheureusement, ne compteront pas pour le passage en troisième ». La poursuite de l’enseignement à distance ne le réjouit pas et il estime que la charge de travail était plus importante que d’ordinaire. « J’aimerais revoir mes copains. » Surtout, pour un élève en proie à des difficultés, rien là encore ne peut remplacer sérieusement les cours en classe et les échanges directs avec les enseignants.
Lycéens et collégiens
Un déconfinement mi-figue, mi-raisin
Publié le 5 juin 2020 à 18:34
Les collégiens et les lycéens peuvent en principe retrouver le chemin de leur établissement après plus de deux mois de confinement. Une période pas toujours simple et qui, dans certains cas, va se prolonger. Témoignages.