© Christophe Forestier
Migrants

Un ministre hors-sol à Calais

par Christophe FORESTIER
Publié le 15 octobre 2021 à 11:43

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, est venu sur le littoral samedi dernier. En point de mire les traversées du détroit du Pas-de-Calais par les migrants, mais aussi les Anglais qui doivent honorer leur part de l’effort financier que représente le contrôle des frontières. Déplacement qui rime avec communication selon l’Auberge des migrants qui dénonce la fausse bonne réponse policière.

C’est dans un contexte de tension franco-britannique et sur fond de dossier des flux migratoires que Gérald Darmanin s’est rendu sur le littoral calaisien ce samedi 9 octobre. Nos voisins britanniques reprochent aux autorités françaises de ne pas contrôler suffisamment les côtes et donc de ne pas prévenir les traversées d’embarcations de fortune, dont le nombre de tentatives est en hausse cette année. Selon un décompte britannique, 17 000 migrants ont réussi la traversée cette année. Un chiffre supérieur à l’année 2020. Les « small boats », nouveau mode de tentative de traversée vers l’Angleterre, remplacent les montées clandestines dans les remorques de camion. En dépit des moyens mobilisés sur zone, des traversées ont régulièrement lieu. « Ce rêve d’Angleterre s’explique par un marché du travail beaucoup moins encadré qu’en France, les migrants ont donc moins de mal à trouver un job. De plus, bon nombre de migrants parlent anglais », explique Pierre Roques, manager de l’Auberge des migrants.

Traitement inhumain

Le ministre français, venu échanger avec les forces de l’ordre présentes sur la zone, a tenu à rappeler que « la France n’est pas le vassal de l’Angleterre mais un partenaire dans le dossier migratoire, et que chacun doit faire sa part ». Il a souligné que les Britanniques n’ont toujours pas versé les 63 millions d’euros prévus dans le cadre des accords de Sandhurst. Fonds qui devraient servir à « financer nos efforts communs de lutte contre les flux migratoires à destination du Royaume-Uni incluant les gendarmes réservistes mobilisés et tout le matériel ». Pour sa part l’association dénonce un traitement inhumain des personnes. Pour Pierre Roques, l’argent dépensé par le Royaume-Uni sert à tenir la frontière en recourant à la police, « ce qui n’est pas la bonne solution » explique-t-il, arguant que la multiplication des forces de l’ordre en présence sur la côte n’empêchera pas les tentatives de traversée. « Sur le terrain les migrants redoublent d’ingéniosité », complète un témoin. Parfois les migrants enfouissent leur bateau dégonflé pour le cacher des policiers en patrouille. Les associations caritatives dénombrent environ 3 000 migrants répartis entre Calais et Dunkerque.

Trois bénévoles en grève de la faim

En plus d’un traitement « inhumain », l’association d’entraide humanitaire assure qu’il n’y a « aucune volonté de dialogue constructif ». Par ailleurs, souligne l’Auberge des migrants, les associations ne sont jamais invitées lors des déplacements ministériels. « Jamais invitées et même repoussées si elles tentent d’approcher » insiste Pierre Roques, regrettant que les rencontres entre associations humanitaires et autorités soient trop rares. La mort de Yasser début octobre, un jeune migrant, a vivement secoué les bénévoles. Trois d’entre eux, un aumônier du Secours catholique et deux militants de l’association Shanti, ont démarré une grève de la faim le 11 octobre à l’église Saint-Pierre de Calais pour exiger un meilleur traitement. Ils veulent aussi l’arrêt des destructions de camps et des maigres affaires des exilés. Ils souhaiteraient encore que la préfecture cesse de publier des arrêtés contre la distribution d’aide alimentaire aux migrants. Par cette action, nous voulons « réveiller les consciences » expliquent-ils dans un communiqué. Le lendemain 12 octobre, les forces de l’ordre intervenaient une nouvelle fois sur le lieu de vie de la zone du Virval (dit « Hospital ») pour une opération de démantèlement. Elle le fait tous les jours pairs depuis le 4 octobre. La Police de l’air et des frontières a arrêté une personne.