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Aéroport de Beauvais

Un nouveau projet de croissance qui passe mal...

par Morgan Chaumier
Publié le 14 avril 2023 à 15:51 Mise à jour le 17 avril 2023

Les perspectives de croissance du trafic sur les plateformes aéroportuaires de Beauvais ou de Lille provoquent une vive hostilité de la part des populations riveraines. Celui de Beauvais, spécialiste du low-cost, a atteint 4,6 millions de passagers par an, il est devenu le 10 e aéroport français. Reportage.

À Beauvais, Boris Vivier a créé au début de l’année « Sauvez le Beauvaisis », association centrée sur la question environnementale, enjeu global, car « on n’arrivera pas à casser le plafond de verre sur le sujet des nuisances », porté jusqu’ici par l’historique association Adera. L’aéroport de Beauvais prévoit la mise en place d’une voie de circulation permettant de dégager la piste et donc d’envisager un doublement du trafic d’ici 2030. L’une des conséquences sera des émissions de gaz à effet de serre, en hausse de 600 000 tonnes de CO2 par an, l’équivalent de ce que produit Beauvais. Faut-il pour autant empêcher ce développement ? Pour Christophe Cachelievre, délégué syndical Unsa, « le lobby du transport aérien est tellement puissant que ce n’est pas l’aéroport qui va régler le problème. Ce qui ne se fera pas à Beauvais sera déplacé ailleurs, s’il n’y a pas de directive européenne là-dessus ».

Un manque de sincérité et de clarté

Autre reproche fait au projet, son manque de sincérité, exemple à l’appui d’une neutralité carbone de l’aéroport avancée... sur la base des seules aérogares, donc sans prendre en compte la flux des avions. Thierry Aury, conseiller communautaire PCF d’opposition au conseil d’agglomération, souligne par ailleurs qu’il n’y a eu « aucun débat sur cette question » alors même que la collectivité est membre du syndicat mixte concédant la gestion de l’aéroport. Et c’est aussi ce qui anime Boris Vivier, qui insiste sur sa volonté d’informer « pour que les gens puissent s’en saisir et agir ». Ce qui est récemment passé par l’organisation d’une réunion publique réussie. Reste que les opposants doivent bien reconnaître que l’aéroport est un facteur d’emploi indéniable. Et l’argument des emplois précaires peu défendables des compagnies low-cost est contrecarré par le délégué syndical qui souligne que le gestionnaire de l’aéroport a lui aussi recourt à des emplois précaires. Il entend lutter contre la précarité des emplois plutôt que de les perdre. Enjeu pris en compte par Boris Vivier qui réclame que les intérêts des riverains soient pris en compte notamment en limitant le trafic à 32 000 mouvements par an : « L’aéroport est là, il fait vivre des gens, mais n’aggravons pas les choses », ponctue-t-il.

Des intérêts contradictoires

Une autre contradiction apparait avec l’existence d’une demande croissante. « Cet aéroport attire une clientèle très large et notamment des gens aux revenus modestes et moyens » note Thierry Aury. L’accès au transport aérien des couches populaires surgit. Comme apparait la problématique plus large d’un mode transport à bas coût qui concurrence directement le train, souvent plus cher. Ces problèmes ne pourront pas être résolus uniquement par le combat beauvaisien. Mais celui-ci les pose très concrètement. L’élu communiste insiste : « Il faut s’interroger sur le sens de cette tendance, quand on sait la nécessité de réduire les gaz à effet de serre. » Toutes ces questions seront sur la table avec la signature en septembre prochain de la nouvelle délégation et de l’orientation de la plateforme. D’ici là, une rencontre au ministère des Transports est prévue dès la semaine prochaine. À suivre donc.

Les Lillois dans le même bateau

À Lille-Lesquin il est prévu de doubler la fréquentation d’ici 2039. Capucine Saulpic, porte-parole de l’association Nada, s’inquiète ainsi des effets non mesurés sur la nappe phréatique de la craie et d’une étude faite à Roissy indiquant que « les riverains perdent trois ans de vie en bonne santé ». Une action en justice est en cours. Une manifestation est prévue le 13 mai prochain.

1979 C’est l’année d’ouverture du premier terminal de l’aéroport de Paris-Beauvais, le seul dans la région Picardie. 4,6 C’est, en millions, le nombre de passagers sur l’année 2022. 82 C’est le nombre de destinations depuis l’aéroport, dont quatre en France. 3438 C’est le nombre d’emplois équivalent temps plein sur le site de l’aéroport.

La parole à...

Cécile, usagère de l’aéroport

« J’en profite bien parce que je vis à l’étranger et que mes enfants sont en France. Je n’ai pas le choix. Enfin, si, mais en voiture, ce serait beaucoup trop de kilomètres. Je suis bien contente d’avoir l’avion, d’autant que ce n’est pas un choix d’être partie à l’étranger. Mais je comprends complètement que pour les gens qui habitent à côté, c’est horrible. Quand on a moins de vols, en s’en accommode et quand il y en a plus, on en profite. Peut-être qu’on n’en a pas besoin d’autant. »

Christophe Cachelievre, délégué syndical Unsa de l’aéroport de Paris-Beauvais

« Je suis en train de travailler sur la mise en place d’une consultation des salariés pour aller porter leur voix, dans l’idée au mois de mai. J’entends les associations de riverains et leurs craintes. Mais je ne suis pas convaincu qu’il suffit de traverser la rue pour trouver un job. Proposer des restrictions, soit, mais que propose-t-on à mes collègues ? Je ne suis ni défenseur des actionnaires, ni des riverains, je suis représentant des salariés. Je ne suis pas insensible à la partie environnementale mais je dois aussi défendre des salariés. »

Thierry Aury, conseiller communautaire PCF de la communauté d’agglomération du Beauvaisis

« Nous avons porté l’idée d’un référendum local sur cette question comme conclusion d’un grand débat public et avons décidé de déposer une motion porteuse de cette demande lors du conseil d’agglomération. On a eu la surprise de voir que quelques maires qui ne sont pas des élus auxquels nous sommes identifiés ont voté notre motion. On va voir quelles initiatives on va pouvoir prendre pour interpeller, pour nouer des liens avec les élus qui se sont prononcés. Notre force est limitée mais peut prendre plus d’importance si la mobilisation citoyenne s’amplifie. On doit servir de relais pour les citoyens. »

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