© Jeanne Menjoulet/Flickr CC-BY 2.0
Interdiction de l’avortement

Un « triste jour pour les États-Unis », mais pas seulement

Publié le 1er juillet 2022 à 13:23

Quelle sera l’influence et les retombées de la décision américaine hors des États-Unis ?

La décision de la Cour suprême des États-Unis d’annuler l’arrêt « Roe v. Wade » garantissant aux femmes un droit fédéral à l’avortement a fait l’effet d’une bombe. On sait que la possibilité existait parce que ce droit relevait d’une jurisprudence. En fait, les juges et les politiques les plus réactionnaires attendaient et préparaient ce retrait depuis plusieurs décennies. Sept États ont d’ores et déjà pris la décision d’interdire l’avortement. À terme, sur les 50 États, 13 à 21 seront concernés. Le président Joe Biden, qui ne peut légalement pas faire grand-chose, a raison de voir en cette décision des juges « un triste jour pour les États-Unis ». Et d’ajouter que « la santé et la vie des femmes de notre nation sont maintenant en danger ». Ce n’est pas peu dire. L’avortement clandestin, avec les énormes risques que cela suppose pour la santé et la vie des femmes, mais aussi avec les risques judiciaires (de longues années d’emprisonnement) pour les praticiens, va s’imposer. Sinon, celles qui en auront la possibilité, se rendront dans des États où l’avortement demeurera autorisé. Certaines seront même amenées à déménager. C’est d’autant plus inquiétant que les procureurs les plus radicaux ne laisseront aucune exception, même en cas de viol ou d’inceste. Le Missouri, l’Alabama, l’Arkansas, le Dakota du Sud et le Kentucky sont parmi les plus durs et l’avortement y sera considéré comme un crime, sauf dans le cas où la santé de la mère sera an danger. Autre point qui mérite d’être soulevé, les États-Unis sont le plus souvent précurseurs pour les changements (on n’ose ici écrire « évolutions ») sociétaux. Quels risques pour les autres pays occidentaux, pour l’Europe où certains pays comme la Pologne n’ont pas attendu l’exemple de la Cour suprême des USA ? En France, le parti présidentiel, Renaissance, a déjà émis l’idée d’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution. Il est suivi par la Nupes. C’est que, dans notre pays qui a voté la loi Veil en 1995, rien n’est acquis plus qu’ailleurs. Il suffirait d’un changement de gouvernement vers un régime autoritaire. On pense bien sûr à l’extrême droite qui vient de marquer de nombreux points avec l’entrée à l’Assemblée nationale de 89 députés du Rassemblement national. Certes, Marine Le Pen se veut rassurante. Elle s’était démarquée des propos de sa nièce, Marion Maréchal Le Pen qui, en 2012, voulait dérembourser l’avortement en arguant que « l’État n’a pas à payer l’inattention de certaines femmes ». Marine Le Pen elle-même se disait pour le déremboursmeent des avortements multiples. L’idée lui est passée, dit-elle aujourd’hui, et elle l’a retirée de son projet présenté lors de sa campagne pour l’élection présidentielle. Elle est en revanche toujours contre l’allongement de la durée de l’interruption volontaire de grossesse. Elle avance une raison qu’elle qualifie de « très simple » : « En 12 et 14 semaines, eh bien l’acte médical change complètement de nature. » Sauf que depuis longtemps, le délai légal est de 14 semaines d’aménorrhée dans d’autres États européens, comme la Belgique, vers laquelle des femmes se tournaient quand elles avaient dépassé le délai légal en France. Du coup, l’allongement du délai légal a été adopté en mars. Selon le docteur Lydie Lymer, chroniqueuse à Liberté Hebdo, « on peut se demander quels risques comporte un avortement pratiqué à 14 semaines d’aménorrhée par rapport à un avortement pratiqué à 12 semaine d’aménorrhée. La datation du début de grossesse, malgré les outils dont on dispose, n’est pas toujours très fiable. Raison pour laquelle on parle soit en semaines de grossesse (à partir de l’échographie de datation), soit plus communément en “semaines d’aménorrhée”, c’est à dire “le nombre de semaines écoulées depuis l’apparition des dernières règles”. Normalement, un cycle menstruel est de 28 jours. Donc l’ovulation se produit mathématiquement 14 jours après les dernières règles, soit deux semaines après. Il y a donc une différence entre le nombre de semaines d’aménorrhée et le nombre de semaines de grossesse, et cette différence, c’est deux. » Mais, précise Lydie Lymer, « cela s’appuie sur le principe que les règles sont régulières. Ce qui est somme toute assez rare. Donc, parfois, l’ovulation survient trois semaines après les dernières règles. Il y a donc déjà trois semaines d’aménorrhée lorsque se produit la fécondation. Or, la loi compte en semaines d’aménorrhée, et non en semaines de grossesse dont le début est daté approximativement à plus ou moins trois jours par échographie dite “de datation”. Bref, malgré tous les outils dont on dispose, beaucoup de femmes sont encore indisposées pour rentrer dans les délais légaux à une semaine près ! ».