Le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Franck Riester, invité le 23 janvier sur BFM TV, a dû en convenir, « si vous reportez l’âge légal à 64 ans, évidemment elles [les femmes] sont un peu pénalisées ». Bel euphémisme pour résumer la réforme ! D’ores et déjà, les femmes n’ont pas la part belle dans le monde du travail. Et cela a des conséquences sur leur retraite. À temps de travail équivalent, elles gagnent toujours 15 % de moins que les hommes. Et comme elles sont trois fois plus souvent à temps partiel que les hommes - pour raisons familiales ou du fait des métiers qu’elles exercent (aides à domicile, femmes de chambre...) - leur revenu salarial est même en moyenne 22 % inférieur (privé et public confondus). À cela s’ajoutent contrats précaires, périodes de chômage, arrêts temporaires d’activité...
Une pension inférieure de 40 % en moyenne
Résultat, les femmes ont en moyenne une pension inférieure de 40 % (de 28 % une fois intégrées pensions de réversion, majorations de pension pour familles nombreuses, etc.). Elles partent plus tard à la retraite (à 63,2 ans en moyenne contre 62,7 ans pour les hommes), tout en étant proportionnellement plus nombreuses (40 % contre 32 % des hommes) à ne pas pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein, faute d’un nombre de trimestres validés suffisant. Une sur cinq, contre un homme sur douze, doit attendre 67 ans, âge auquel la décote sur le taux de liquidation ne s’applique plus - ce qui, en vertu de la formule de calcul de la pension, n’assure pas pour autant une « retraite pleine » si ce délai ne permet pas d’atteindre le nombre requis de trimestres cotisés.
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Avec les mesures que veut imposer le gouvernement – âge légal à 64 ans et 43 annuités validées pour une retraite à taux plein –, tous les travailleurs seraient touchés, mais les femmes encore plus !
Les mères de familles lésées
Selon l’étude d’impact de la réforme, les femmes partiront en moyenne sept mois plus tard qu’aujourd’hui contre cinq mois pour les hommes. Les mères de famille seront particulièrement lésées. En 2021 par exemple, grâce aux trimestres de majoration accordés pour chaque enfant (quatre trimestres pour la maternité plus quatre autres trimestres en contrepartie de son éducation pouvant être partagés avec le père pour les enfants nés à partir de 2010), un tiers des nouvelles retraitées ont pu partir dès l’âge légal de 62 ans. Elles devront désormais travailler un an de plus, voire deux ans pour les générations nées après 1968. Et ce alors que la pénibilité de nombreux métiers occupés par les femmes n’est pas reconnue (en 2018, quatre des dix critères permettant de la caractériser ont été supprimés, notamment les postures pénibles).
Un recul pour l’émancipation des femmes
Enfin, cette réforme ferait gonfler le nombre de seniors pauvres, qui sont là encore souvent des femmes. Aujourd’hui déjà, l’année précédant leur retraite, un tiers des travailleurs –28 % des hommes et 37 % des femmes – ne sont déjà plus en emploi. Parce que leur corps n’en peut plus ou que les employeurs n’en veulent plus ! Ils sont chômeurs, en arrêt maladie, en invalidité, au RSA... 23 % d’entre eux, dont beaucoup de femmes, n’ont plus aucune ressource personnelle (ni revenu ni allocation) sous prétexte que leur conjoint a un revenu suffisant pour survivre à deux. On peut faire mieux en matière d’émancipation...
24 C’est l’écart, en pourcentage, qui sépare le montant des pensions de retraite entre hommes et femmes.
7,6 C’était, en millions, le nombre de femmes en retraite début 2020, contre 6,6 millions d’hommes.