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Élisabeth Borne

Une ministre de la casse sociale à la tête du gouvernement

par Philippe Allienne
Publié le 19 mai 2022 à 22:58

Si Emmanuel Macron avait plutôt porté son choix sur Catherine Vautrin, actuellement présidente du Grand Reims et ex-LR devenue macroniste, c’est bien qu’il entend poursuivre la même politique, contrairement à ce qu’il avait annoncé durant sa campagne. Le recentrage sur Élisabeth Borne ne changera rien à ses intentions. Retour sur le passif d’une ministre qui a orchestré la casse sociale durant le premier quinquennat Macron.

Plusieurs fois ministre depuis 2017, Élisabeth Borne est qualifiée par le quotidien Les Échos de « femme des défis ». C’est vrai. Les gouvernements précédents lui ont donné l’occasion de montrer sa capacité à mener des réformes que, dit-on, la droite aurait voulu réussir elle-même. Il est aussi vrai que si cette polytechnicienne et ex-préfète a été proche du Parti socialiste (elle a été notamment conseillère au cabinet de Lionel Jospin en 1997), elle s’est très vite rapprochée des marcheurs. Dès son entrée au ministère des Transports, en mai 2017, elle a trouvé sur sa table le dossier de réforme de la SNCF. Elle a ainsi fait face à une longue grève des cheminots. Rien ne l’a fait plier. Le statut des cheminots ne s’en est pas remis et elle a bouclé le dossier de l’ouverture à la concurrence de la SNCF. Ce dossier avait du reste été ouvert sous la présidence de François Hollande. Mais c’est bien Élisabeth Borne qui parvient à faire voter la réforme de l’établissement. Le secteur ferroviaire en ressort affaibli et les petites lignes de fret en souffrent d’autant. Sur le plan social, sa méthode a consisté à dresser les syndicats les uns contre les autres, prenant particulièrement la CGT pour cible. « En vérité, avait-elle alors déclaré, le sens du combat de la CGT cheminots, son leader l’a dit très clairement, ce n’est pas la défense du service public, ni des cheminots, c’est une contestation du gouvernement. Leur grève est une grève politique. » Dans l’espoir d’aboutir à un accord, elle n’a pas hésité à opposer la CGT à la CFDT et à l’Unsa. « Aucune garantie obtenue par les cheminots n’est le fait de la CGT » avait-elle encore affirmé. La SNCF, elle connaissait bien. Dès 2002, elle en avait été directrice de la stratégie. Et quand elle intègre le cabinet de Lionel Jospin à Matignon, en 1997, c’était déjà pour s’occuper des transports en tant que conseillère technique.

Les demandeurs d’emploi ciblés

Autre réforme dans laquelle s’est illustrée Élisabeth Borne, cette fois en tant que ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion (à partir du 6 juillet 2020) : l’assurance-chômage. Là encore, elle parvient à ses fins malgré trois reports et un avis contraire du Conseil d’État. Le but : assurer une refonte de l’Unédic, minorer les indemnisations chômage, réaliser une économie de plus de 2 milliards d’euros. Comme pour la réforme de la SNCF, elle ne part pas de rien. Dès le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, la ministre du Travail Muriel Pénicaud était déjà à la manœuvre. Élisabeth Borne reprend les rênes et ne flanche pas. Même s’il lui faudra un peu de patience en raison du contexte économique. À la CGT, David Gravouil se souvient bien : « Le gouvernement ne veut pas renoncer à sa réforme, mais a compris que ce n’était pas le moment. Il nous dit que la mise en œuvre, ce ne sera pas au 1er avril, c’est certain, mais qu’il faut trouver les indicateurs pour la programmer quand ça ira mieux. » De son côté Jean Castex appuie : « Il faut encourager le travail, le retour à l’emploi, et ce, sur des contrats moins précaires. » Tout est bon pour tenter de convaincre que tout est fait pour le bien des chômeurs ! Quoi qu’il en soit, la dégressivité de l’allocation chômage à partir du 7e mois pour les plus hauts revenus s’applique depuis le 1er décembre 2021. Pour les personnes ayant ouvert leurs droits au chômage au 1er décembre 2021, la dégressivité interviendra au plus tôt à compter de juin 2022. Les nouvelles règles sur les conditions d’éligibilité à l’assurance chômage pour les travailleurs privés d’emploi sont entrées en vigueur depuis ce même 1er décembre 2021.

Coup de grâce pour les contrats aidés

Mais l’œuvre de la ministre ne s’arrête pas là. Le 7 février dernier, le ministère du Travail a publié une circulaire « relative au Fonds d’inclusion dans l’emploi (FIE) en faveur des personnes les plus éloignées du marché du travail ». Les préfets doivent d’autre part « veiller au pilotage physico-financier des enveloppes de contrats aidés, en particulier des parcours emploi compétences (PEC) ». En clair, cinq ans après la disparition des emplois aidés (250 000 contrats ont été supprimés entre 2017 et 2018), Élisabeth Borne en finit avec leurs successeurs (moins coûteux pour l’État) que sont les PEC. Vous avez dit fibre sociale ? En entrant à Matignon, elle a pour mission de piloter la planification écologique. Mais précisément, lorsqu’elle a remplacé François de Rugy au ministère de la Transition écologique, les résultats n’ont pas fait d’étincelles. D’abord, et ce n’est pas sa faute, le ministère a été déclassé. Si elle a gardé, en même temps, le portefeuille des Transports, elle n’est pas devenue ministre d’État. Les Verts y ont vu un mauvais signe pour l’avenir de la transition écologique version Macron. Ils n’avaient pas tort. D’autant que, en tant que ministre des Transports et vu le traitement qu’elle a réservé à la SNCF, Élisabeth Borne a clairement montré sa préférence pour la route (elle n’a pas oublié les responsabilités qu’elle a eues jadis au sein d’Eiffage) et pour les transports aériens. L’avenir proche dira si elle offrira un autre visage que celui que nous lui connaissons. Nous pouvons en douter.