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Les doléances du 1er mai

Une pratique qui tombe en désuétude

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 30 avril 2021 à 11:43 Mise à jour le 4 mai 2021

Maire PCF de Burbure, René Hocq se souvient de la remise de cahiers de doléances par les syndicats de mineurs de la CGT et de FO : « Cela remonte à quelques années. Leur disparition a entraîné la fin de cette pratique. J’envoyais les revendications en préfecture avec un mot d’accompagnement. Le représentant de l’État se contentait de prendre note. C’était un moment fort de convivialité en présence de représentants du monde associatif. L’occasion pour les syndicalistes de prendre la parole avant le défilé qui se terminait au pied du monument aux morts par un dépôt de gerbe. Je prononçais alors un discours plus politique. » Élu pour la première fois maire d’Houdain en 1997, le communiste Daniel Dewalle n’a pas connu ce type de cérémonie. « Elle existait du temps de mon prédécesseur Victor Fleuret qui accueillait en mairie la CGT mineurs. À mon époque, on se contentait d’une manifestation symbolique en présence de l’Harmonie municipale », précise-t-il.

Revendication, pas commémoration

Secrétaire départemental de SUD Collectivités territoriales du Pas-de-Calais, Gilles Rembotte croit toujours en la pertinence de cette pratique « quand il y a un élu à l’écoute des revendications ouvrières. Il est aussi important de maintenir un lien entre le mouvement ouvrier et le monde politique d’autant que, dans les grandes villes notamment, les élus ont des contacts avec les parlementaires. Et puis concernant la Territoriale, les édiles sont également des décideurs ». Secrétaire général de l’UL CGT de Lens, Dany Coolen ne dépose plus de cahiers de revendications au nom de l’Union locale en mairie de Lens depuis qu’en « 2006, la municipalité a pris l’initiative d’un dépôt de gerbe au pied de la statue d’Émile Basly ». Pour Dany Coolen « le 1er mai est avant tout un jour de luttes et de mobilisation, pas de commémoration. Dans d’autres villes où nous avons des bases, le dépôt se fait néanmoins encore à l’initiative des syndicats locaux car il semble important de rappeler aux élus de gauche notamment que la classe ouvrière a encore des droits à conquérir ». À Béthune, l’UL CGT ne participe plus à cette cérémonie « depuis que nous avons un stand à la Fête du livre d’Arras », souligne Jean-Luc Duriez, l’un de ses animateurs, qui estime que « ce dépôt ne servait pas à grand-chose. On le faisait surtout par tradition ».

Une pratique détournée parfois

Dans cette même ville, dans les années 2000, la CNT d’inspiration anarcho-syndicaliste avait choisi d’exposer des revendications politiques liées alors à l’exigence de la libération des prisonniers du groupe Action directe ; ce qui avait entraîné le départ des élus socio-démocrates de l’hôtel de ville... Soucieux de dénoncer la politique antisociale menée sous la présidence Hollande, les cinq UL de l’ouest du Bassin minier du Pas-de-Calais avaient pour leur part, en 2013, organisé une manifestation dans les rues de Bruay-La-Buissière conspuant sur les marches de l’hôtel de ville les élus du PS venus à leur rencontre. Cette année-là, point de remise de cahiers de revendications dans la mesure où cette coutume « conforte la délégation de pouvoirs alors que l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes comme le proclamait la 1ère Internationale. Et de toute façon, les doléances terminent à la poubelle ou dans le bureau d’un sous-préfet qui n’en a rien à cirer ! » déclarait alors l’UL CGT du Bruaysis.