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Vives inquiétudes sur le régime de Sécurité sociale dans les ex-bassins miniers

par Philippe Allienne
Publié le 3 juin 2022 à 13:37

Les fédérations des syndicats des mineurs CGT, CFDT et CFTC sont très inquiètes. Elles craignent une privatisation du régime de Sécurité sociale dans les mines. Elles ont adressé un courrier aux candidats aux élections législatives, mais aussi aux sénateurs et aux conseillers départementaux et régionaux.

L’Ahnac (Association hospitalière Nord Artois clinique) est une association à but non lucratif. Elle participe aux missions de service public « confortant et développant le meilleur de l’offre de soins sans dépassement d’honoraires du Hainaut à l’Artois », lit-on sur son site internet. Il s’agit en fait d’un groupe qui propose aux patients une prise en charge globale et personnalisée dans tous les domaines de la santé : urgences et surveillance continue, consultations et examens, maternité, hospitalisation ou services de soins infirmiers à domicile, hospitalisation ambulatoire ou conventionnelle, addictologie, santé mentale, unité de moyen et long séjour, hébergement de personnes âgées et personnes âgées dépendantes. Gérée par la caisse minière CANSSM (Caisse autonome nationale de la Sécurité sociale dans les mines), elle représente 3 000 emplois répartis entre quatre hôpitaux et cliniques, six Ehpad et d’autres établissements et services de santé du Nord-Pas-de-Calais.

Opération secrète

Mais si aujourd’hui les syndicats s’inquiètent, c’est qu’un vent de privatisation souffle sur l’Ahnac. L’ex-ministre de la Santé Olivier Véran n’y est pas pour rien. Alors que des assurances avaient été données pour négocier les partenariats avec les principaux intéressés (dont les partenaires sociaux), une opération aurait été menée en secret fin mars pour préparer la cession de l’Ahnac à l’opérateur privé Hopale. Les syndicats s’inquiètent donc pour le devenir de l’offre de santé et pour les 3 000 emplois concernés. Ils l’ont expliqué lors d’une conférence de presse à Liévin, ce 2 juin. Les trois fédérations syndicales en appellent donc notamment aux candidats aux législatives. Dans le courrier qu’elles leur ont adressé, comme aux sénateurs et aux conseillers départementaux et locaux, elles rappellent que, fin juin 2021, le ministre a annoncé une prolongation de la convention d’objectifs et de gestion. Cela menaçait déjà le devenir de la Caisse nationale minière et l’éclatement de son réseau de soins. Ainsi, près de 130 collectivités territoriales, en France, ont présenté à leurs instances délibérantes une motion à l’attention du ministre Olivier Véran. Elles y font valoir l’exigence de conforter le réseau de santé géré et financé par la Caisse minière de Sécurité sociale. Cette mobilisation a permis d’obtenir plusieurs points :

  • Une nouvelle convention, fixée à trois ans au lieu de quatre a été finalisée lors du conseil d’administration CANSSM du 16 décembre 2021. Elle a été signée par la caisse et les ministres de tutelle début février.
  • La CANSSM poursuit ses missions au service des mineurs et avec son offre de santé ouverte à tous.
  • Son conseil d’administration est renouvelé pour quatre ans.
  • Un projet de partenariat doit être lancé dès 2022 entre la CANSSM et la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam). Il est acté que « ce rapprochement doit garantir (notamment) la pérennité, l’unicité et la complémentarité des structures de soins de FILIERIS, appellation sous laquelle ces structures demeureront ».

Risque d’éclatement

Mais, expliquent les syndicats, si ces engagements semblaient constituer une avancée bienvenue en rapport aux annonces initiales, à ce jour, aucun projet n’a été réellement engagé avec la Cnam qui doit finaliser avec l’État, d’ici octobre prochain, ses orientations pour la période 2023-2027. Par ailleurs, disent-elles, « la récente cession au privé de l’Ahnac ravive nos inquiétudes d’éclatement de l’offre de santé ». Le cœur du problème actuel est là. « En plein cœur du Pas-de-Calais, une opération sous-marine a été pilotée et préparée en secret par le cabinet du ministre Olivier Véran, en accord avec la direction de la Sécurité sociale et le président désigné par la CANSSM. Deux jours avant la tenue d’un conseil d’administration CANSSM, ils ont imposé l’inscription de la cession de l’Ahnac à une fondation privée. » Pour les fédérations syndicales, cette opération ne prévoit aucun plan d’entreprise à moyen terme, pas plus que de poursuite des activités au service des usagers, ni d’investissements, ni d’emplois. « C’est sous la forme d’un chantage à l’attribution de fonds publics (Ségur + ARS) pour désendetter partiellement l’Ahnac que les ministères imposent cette cession en l’absence totale de transparence sur la préservation des activités. Les instances représentatives du personnel concernées n’ont pas été formellement consultées. » Les organisations syndicales en sont persuadées, il « s’agit là du prélude au retour de l’orientation devant aboutir à l’éclatement et à la dissolution de tout le réseau de santé FILIERIS ». Voilà qui tombe bien mal alors que « nos territoires sont déjà affectés par les difficultés à attirer des praticiens, des professionnels de santé ou à maintenir les services publics sanitaires et médico-sociaux ». Cela arrive aussi alors que les collectivités doivent engager des financements pour tenter de pallier la désertification médicale et pour aider à développer les services à la personne. À ce jour, le député et candidat à sa succession Alain Bruneel s’est engagé à intervenir. Jean-Marc Tellier, le maire d’Avion et lui aussi candidat aux législatives, a écrit à la nouvelle ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon.