CONSEIL RÉGIONAL

Xavier Bertrand, côté pile et côté face

par Mathieu Hébert
Publié le 18 février 2019 à 16:39 Mise à jour le 20 février 2019

La majorité des syndicats du conseil régional critique son président : « Au-delà de la communication, le bilan social est plus que mitigé ».

Côté face, voilà l’ardent défenseur de l’emploi, soutien des sidérurgistes d’Ascoval contre les manœuvres des élites parisiennes, l’homme de terrain toujours « à portée d’engueulade  », le « pragmatique » qui cherche des solutions, en mettant en relation demandeurs d’emplois et employeurs avec la plate-forme régionale Proch’emploi, ou en mettant en place un chèque carburant ou des dispositifs de garde d’enfants pour les travailleurs... L’ancien sarkozyste pilier de l’UMP veut s’extraire des jeux politiciens... C’en est fini de la politique « comme avant  », jure-t-il depuis sa victoire aux élections régionales en décembre 2015.

Voilà qui justifie le titre de « personnalité de l’année  » que viennent de lui décerner des éditorialistes parisiens à l’occasion de la dernière cérémonie des prix du Trombinoscope, cet annuaire politique dont les distinctions mettent en avant « l’action et le professionnalisme de personnalités politiques ». Il figurait déjà au palmarès 2016 de ces prix en tant qu’élu local de l’année.

« Il est facile pour un président, d’une région comme de toute la République, de jurer, la main sur le cœur, qu’il sera le président de tous ses administrés ; il est plus difficile de l’être vraiment et de le prouver par ses décisions et par ses actes », loue dans un communiqué le jury du Trombinoscope.

C’est que le président des Hauts-de-France, bien disposé à l’égard d’Emmanuel Macron à ses débuts, en dénonce désormais les « méthodes anciennes  » : « la politique du rabot au lieu de redéfinir les missions de l’État ».

Xavier Bertrand, qui « reste un homme de droite  », garde le contact avec la gauche : c’était le cas avec les communistes du Valenciennois sur le dossier Ascoval. C’était aussi le cas à propos du conseil régional, où la gauche n’a plus aucun élu depuis décembre 2015. « Je me félicite de la qualité du dialogue que nous avons entretenu en dépit de nos divergences  », disait Pierre de Saintignon (PS) en octobre dernier.

En interne, c’est un tout autre discours que portent les syndicats de la Région Hauts-de-France. Une large intersyndicale [1] met les pieds dans le plat. « Le vrai visage de Xavier Bertrand : des leçons aux autres, pas des actes  », disent-ils. « Au-delà des effets de manche et de la communication, le bilan social est plus que mitigé ».

« Nous sommes majoritairement une collectivité de bas salaires »

La Région a supprimé 200 emplois de fonctionnaires dans les services et 200 dans les lycées. Elle a supprimé environ 400 CDD de plus de six mois dans les lycées, pour les remplacer par des contrats courts, non renouvelés pendant les vacances scolaires, notent les syndicats, qui s’appuient sur les rapports sociaux de décembre 2015 à décembre 2017 et les listes électorales des élections professionnelles qui donnent des indications sur les effectifs. S’y ajoutent les postes non pourvus, les absences non remplacées. « La pression sur les effectifs est une des causes principales de la dégradation des conditions de travail », dit l’intersyndicale. Et la CGT, majoritaire depuis les dernières élections professionnelles du 6 décembre, d’ironiser sur Xavier Bertrand, « un défenseur de l’emploi qui a détruit ou précarisé 800 emplois en deux ans, soit 3 fois l’effectif de l’entreprise Ascoval ».

Xavier Bertrand au siège de Région, à Lille le 4 janvier 2016, lors de son élection (Photos Mathieu Hébert et Oscar Dhondt)

On l’oublie parfois : si l’essentiel des agents de la Région sont des fonctionnaires, plus de 60 % sont les personnels ouvriers et de service des Lycées (5500 agents), dont la moitié sont des agents d’entretien. «  Nous sommes majoritairement une collectivité de bas salaires  », rappelle l’intersyndicale. Plus des trois quarts sont des agents de catégorie C. Un adjoint technique gagne en moyenne environ 1300 euros nets.

Trois régimes indemnitaires cohabitent, selon qu’un agent dépendait auparavant du régime du Nord-Pas de Calais ou de Picardie, ou qu’il ait intégré la collectivité après la fusion. « Imaginez que trois personnes d’un même service, pour un même travail, aient une rémunération différente : c’est mauvais pour la cohésion », explique Yann Babut, chargé de mission au pôle Lycées et élu suppléant (Sud) au comité technique paritaire.

Rendez-vous le 25 février

Rémunération, dégradation des conditions de travail... Ce ne sont pas les seuls griefs que les syndicats de la Région adressent à leur président employeur. Certains pointent l’absence de cap politique précis et un circuit de décision qui repose essentiellement sur le cabinet. « Il arrive fréquemment qu’on travaille sur un projet de délibération avec l’aval du vice-président concerné, et que ce texte soit cassé par le cabinet  », rapporte Yann Babut. Ils s’estiment également déconsidérés dans leur rôle de représentants du personnel. Le report du comité technique, prévu le 4 février, a d’ailleurs été reporté d’un mois pour cette raison.

Peu habitués à « montrer les dents  », en intersyndicale de surcroît, les organisations passent à l’offensive. Après avoir envoyé une lettre ouverte au président de Région le 18 janvier, ils ont donné une conférence de presse le 31 janvier. Xavier Bertrand rencontrera l’intersyndicale le 25 février à Amiens.

« La communication prévaut sur l’action »

Xavier Bertrand, défenseur du pouvoir d’achat des classes moyennes ? Les agents régionaux aimeraient mieux le mesurer. Les primes, décidées par la collectivité, peuvent représenter un tiers du salaire pour les agents territoriaux. Or, disent les syndicats, le nouveau régime de primes est aujourd’hui le moins favorable des Régions fusionnées. Résultat : le recrutement de nouveaux talents, qui préfèrent rejoindre d’autres collectivités, est difficile. Alors que le président de Région, ancien ministre du Travail, communique largement sur ses mesures en faveur de l’emploi, les syndicats estiment que « la communication prévaut sur l’action  ». Un exemple : la Région prête 40 voitures à des demandeurs d’emploi pour favoriser leur embauche. « Si cette action est significative à l’échelle d’une commune, elle est une goutte d’eau dans l’océan pour les Hauts-de-France qui compte 376 380 demandeurs d’emploi de catégorie A au 4e trimestre 2018  ».

Notes :

[1CGT, CFDT, FA (autonomes), UNSA, Sud, SNU Ter (FSU)