Vaccination et pass sanitaire

« Avant d’imposer l’obligation, il fallait lever les freins »

par DOMINIQUE WATRIN
Publié le 30 juillet 2021 à 18:07

La vaccination contre la Covid-19 est un sujet beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Par ailleurs, je pose le principe que toutes les opinions doivent être entendues et que chacun doit pouvoir être respecté même si, pour finir, la nation, comme sur tout autre sujet, doit forcément trancher. Cela est encore plus vrai sur une question de santé publique. Il y a urgence puisque la course de vitesse est déjà lancée entre la progression exponentielle du nouveau variant et les mesures de santé publique nécessaires. Le pire serait que rien d’efficace sur la durée ne soit décidé, car il faut s’attendre à d’autres variants demain.

Distinguer urgence et passage en force

La première clarification à apporter est la distinction impérative à poser entre urgence (toujours relative, d’ailleurs on peut considérer légitimement que le président a tardé à réagir) et passage en force . Rien ne saurait justifier la brutalité d’annonces régaliennes, du calendrier d’application ou la procédure accélérée imposée au Parlement. Ce « Jupitérisme » ne pouvait que susciter un rejet massif (dont les manifestations témoignent aussi) quand il faudrait au contraire sur un sujet aussi vital et touchant aux libertés fondamentales rassembler le plus largement possible. A l’inverse, je suis tout autant outré par la légèreté (et c’est encore un euphémisme) de ceux ( même si je sais qu’ils sont un nombre non négligeable ) qui affirment tout aussi péremptoirement que «  la vaccination, c’est à chacun de choisir  ». C’est exactement le même argument que celui utilisé, à une autre époque, par ceux qui s’opposaient à l’obligation vaccinale pour éradiquer le fléau de la polio ! On peut parler effectivement d’irresponsabilité quand on balaye ainsi d’un revers de main presque un siècle de découvertes scientifiques allant jusqu’à poser, et c’est ce qui nous intéresse ici, que « nous n’aurions pas assez de recul sur la dangerosité des vaccins anti - Covid ». Plus de 2 milliards de personnes dans le monde ont reçu au moins une dose, certains depuis de nombreux mois, avec des effets secondaires graves quasiment nuls. Préjugé (ici comme ailleurs) ne saurait acquérir statut d’opinion respectable. Au lendemain de l’intervention présidentielle du 12 juillet, Les Françaises et les Français semblaient approuver majoritairement et le pass sanitaire et la vaccination obligatoire pour les soignants. Il est vrai que ces mesures ont été « vendues » comme l’alternative à un reconfinement (partiel ou général) en lien avec le début d’une probable « quatrième vague ». Comme souvent, la fin est censée justifier les moyens .

Un sacré trou dans la raquette de l’immunité collective

Certes, les pays les plus riches (très minoritaires) ont pu finalement, comme la France, acheter au prix fort suffisamment de doses pour espérer vacciner massivement leur population. Cette immunité collective recherchée, même atteinte, serait-elle cependant une garantie si infaillible qu’on puisse consentir collectivement à des sanctions extrêmes allant jusqu’au licenciement de salariés réfractaires ? Si infaillible qu’on puisse accepter la prolongation de l’état d’urgence sanitaire donnant tous pouvoirs au gouvernement ? Si infaillible qu’on puisse approuver un calendrier si resserré qu’il aboutit à priver du droit d’aller et venir de millions de personnes ? La réalité est qu’on ne peut combattre un virus aussi mutant et actif dans le cadre d’une pandémie mondiale à l’échelle d’un seul pays ou de quelques pays privilégiés. Or, ce n’est qu’une faible proportion de la population mondiale qui a bénéficié de la barrière des vaccins jusqu’à moins de 10% en Afrique toute proche ! Oui il faut vacciner massivement en France mais il faut aussi vacciner massivement dans le monde. C’est évidemment aussi notre intérêt. Il faut donc aussi et de toute urgence lever les brevets des laboratoires pharmaceutiques pour pouvoir produire partout dans le monde les vaccins nécessaires. C’est le sens de la campagne européenne visant à atteindre 1 million de signatures pour obliger l’Europe à agir en ce sens. Le PCF est la force politique française la plus engagée dans cette campagne qui dépasse les 200.000 signatures pour notre pays. Je vous invite vous aussi à signer en tapant « pas de profits sur la pandémie ».

Pour une politique nationale de santé publique

En résumé, le projet de loi gouvernemental est non seulement liberticide mais aussi inefficace. Une nouvelle fois, Macron a confondu urgence de la situation (que peu contestent) et passage en force. Que dire d’ailleurs de l’obligation vaccinale imposée aux personnels soignants et/ou en contact avec le public ? Faut-il encore rappeler qu’au début de l’épidémie, les personnels soignants ont dû faire face à la saturation des hôpitaux, conséquence de plusieurs décennies de politiques libérales, en montant en première ligne sans masques, avec des sacs poubelles en guise de surblouses et en étant contraint(e)s de travailler même avec un test positif ?! Comme l’écrit la Confédération CGT, ceux-ci attendent des actes de reconnaissance mais reçoivent à l’inverse des menaces de suspension voire de rupture de leur contrat de travail. Il faut qu’Emmanuel Macron et la République en marche soient à ce point déconnectés des réalités vécues par les salariés pour tenter d’imposer cette obligation aux aides à domicile, englobées pour l’occasion dans la catégorie des soignants alors qu’on leur a refusé le bénéfice du Ségur au prétexte qu’ils n’en ont pas le statut. Avant d’en arriver à l’obligation, il fallait d’abord lever tous les freins à la vaccination notamment en l’autorisant sur le temps de travail rémunéré. L’obligation vaccinale ne peut seulement se décréter. Celle pour la polio a conclu une campagne nationale de promotion et de prévention de plusieurs années. Avec la Covid, il y a urgence (relative je l’ai déjà dit) mais peut-on pour autant brûler toutes les étapes ? Je suis pour l’obligation vaccinale mais il faut sans attendre commencer par mettre en place une campagne nationale de prévention ambitieuse. Mobiliser les outils de la Sécurité sociale et multiplier les contacts de proximité, combattre par des mesures concrètes les fractures sociale, territoriale, numérique est sans doute plus efficace que des menaces disproportionnées et contre- productives. Dans cette période transitoire, effectivement, pourquoi ne pas mettre en débat un élargissement du pass sanitaire de manière raisonnable et proportionnée ? Notre pays a plus que jamais besoin d’une politique nationale de santé publique.

Dominique Watrin est l’auteur du livre « Je vous le dois bien » (Ed le geai bleu) où il développe entre autres l’idée d’une nécessaire politique nationale de santé publique.