Depuis de nombreux mois, à grand renfort de communication, le gouvernement a martelé que maintenir les établissements ouverts était une priorité nationale et que tout était fait pour tenir cet objectif. Pourtant en 2020, 500 postes étaient supprimés dans le second degré alors que l’on y accueillait 22 500 élèves de plus. À la rentrée 2021, c’est 1 800 postes qui seront à nouveau supprimés (dont 192 dans l’académie de Lille) pour 43 500 élèves supplémentaires attendus ! Comment pallier les effets du premier confinement sur les apprentissages ? Comment assurer les enseignements dans le respect des mesures sanitaires ?
Absence de concertation
Pour limiter la diffusion du virus, le protocole sanitaire incite à aérer régulièrement les salles de classe. Cette consigne existe depuis le printemps 2020 (1er déconfinement). Mais lorsque la vétusté des locaux ne permet pas une aération efficace, aucun investissement n’a été décidé pour équiper ces établissements en purificateurs d’air. Comme pour l’hôpital, cette crise révèle le manque d’investissements dans les services publics en France. Avant la fermeture des établissements, nous avons pu observer une augmentation du nombre d’enseignants malades ou cas contacts qui ne pouvaient plus assurer leurs cours. Cette situation aurait pu être anticipée à la rentrée de septembre en équipant techniquement les bâtiments, en recrutant massivement des enseignants titulaires et remplaçants, des AESH (Accompagnants des élèves en situation de handicap), des assistants d’éducations (AED), en pratiquant des dépistages systématiques et en fournissant des masques réellement protecteurs aux élèves comme aux personnels. Mais encore une fois, rien n’a été fait en ce sens, aucune leçon n’a été tirée de l’année 2020. La décision du 31 mars a encore une fois été prise sans concertation avec les syndicats des personnels de l’EN, d’étudiants ou représentants des parents d’élèves. L’enseignement « en distanciel » a été imposé pour une semaine et se poursuivra chez les collégiens et les lycéens après les vacances anticipées de printemps. Pour tous les élèves et plus particulièrement pour les élèves qui sont habituellement accompagnés par les personnels AESH, l’école à la maison conduira inévitablement à la dégradation de leurs conditions d’apprentissage. Depuis le premier confinement, le ministère aurait dû équiper les enseignants, mettre à leur service des outils officiels propres à les aider à garder le lien avec leurs élèves, il aurait dû doter en ordinateurs les élèves qui n’en possèdent pas (souvent les plus fragiles du système scolaire) ou en clés 4G ceux qui n’ont pas de connexion internet, il aurait dû former les enseignants à ces pratiques. Mais rien n’a été fait. Les professeurs doivent à nouveau bricoler des solutions avec leurs ressources propres sans aide de leur ministère et en quelques jours. Des élèves seront encore une fois exclus de l’enseignement à distance.
Il faut de véritables mesures sanitaires
Les syndicats appellent le gouvernement à faire preuve d’anticipation et réclament de véritables mesures sanitaires (dépistages, protections adéquates fournies aux personnels comme aux élèves, campagne de vaccination) et non une infinité de protocoles locaux, dont quelques règles générales sont annoncées la veille pour le lendemain dans les médias, sans responsabilité véritable du ministre qui les édicte et sans moyens pour les mettre en œuvre. Depuis un an, la gestion du ministère sème la pagaille et la panique tant chez les élèves et leurs familles que chez les personnels. Depuis septembre d’ailleurs et malgré l’effort croissant des personnels pour préserver le fonctionnement du système éducatif, cette crise impacte les élèves car ils n’ont pas tous pu bénéficier des mêmes modalités d’enseignement : certains ont pu continuer à fréquenter tous les jours les établissements scolaires alors que d’autres sont restés en distanciel au moins la moitié du temps ; certains ont eu accès aux salles spécialisées, d’autres pas, des enseignants remplacés ou non. Par conséquent, les élèves n’ont pas tous reçu les enseignements auxquels ils ont droit. L’explosion du groupe classe dans le cadre de la réforme du baccalauréat, est en outre un non-sens sanitaire puisque chaque enseignement brasse tous les élèves d’un niveau. Dans la voie professionnelle, dans de nombreuses filières, les durées minimales de périodes de formation en milieu professionnel exigées pour la délivrance des diplômes n’ont pas pu être réalisées. L’application « Parcoursup » effectuera bientôt selon ses propres algorithmes les affectations futures des élèves en fonction des places disponibles et non plus en fonction de leurs vœux. Ceux qui auront perdu des enseignements à cause des fermetures d’établissements auront encore moins de chance de voir leurs vœux acceptés. Tous les élèves diplômés doivent pouvoir suivre leurs études dispensées dans les établissements ou universités de leur choix.
Pour un changement de gouvernance
En conclusion, parents et enseignants demandent un changement radical de gouvernance de l’Éducation nationale. Nous souhaitons que la politique du « quoi qu’il en coûte » s’applique aux écoles, collèges, lycées et universités et que des moyens financiers soient déployés. Nous souhaitons que des efforts massifs soient mis en place à la rentrée de septembre 2021 pour prendre en compte les répercussions éducatives et psychologiques de la crise du Covid sur les élèves : plus d’enseignants, de personnels de vie scolaire, d’assistants sociaux, d’infirmières et de psychologues et médecins scolaires. Nous demandons un plan d’urgence pour l’enseignement supérieur afin de garantir l’accueil effectif des étudiants dans les meilleures conditions possibles. Même si la « vie normale » reprend en septembre grâce à la vaccination, les élèves auront besoin massivement d’aide après avoir traversé plus d’un an de crise sanitaire. Il faudra rattraper ces dégâts en privilégiant de petits effectifs. Il n’est plus temps de faire des économies sur notre système éducatif comme l’a fait encore récemment le ministre Jean-Michel Blanquer en rendant plus de 600 millions d’euros du budget de l’Éducation nationale au ministère de l’économie [2]. Le gouvernement doit assumer réellement ses obligations de moyens pour garantir une réelle continuité du service public.