Alors que l’accès à la vaccination est devenu l’une des questions majeures du moment pour sortir de la pandémie, il est une question qui revient sans cesse : « Quand vais-je pouvoir me faire vacciner ? » alors que même des « publics à risque » ne parviennent pas à avoir de rendez-vous. Dans l’Oise, où la préfecture refuse l’ouverture de lieux de vaccination par des communes parce que l’État n’est pas en capacité d’approvisionner correctement et à la hauteur des besoins, la section communiste de Beauvais a fait un point presse avec deux spécialistes.
Une politique à l’encontre du bon sens
Ancien chef de service de l’Hôpital de Clermont (Oise) et très engagé depuis le mois de mars dans la lutte contre la pandémie, le docteur Jean-Jacques Pik estime que le gouvernement, qui a fait l’éloge de la lenteur du plan de vaccination, devrait mettre à profit ces délais longs pour mettre en place une stratégie vaccinale la plus précise possible. « Au lieu de cela, regrette-t-il, l’Agence régionale de santé (ARS) envoie aux élus locaux des documents sur leur rôle en la matière ou sur l’organisation des transports [il faut parfois se déplacer loin de son domicile pour pouvoir recevoir l’injection – ndlr], mais ce sont des vœux pieux. » Très concrètement, il cite ce maire de Saint-Just-en-Chaussée (6 000 habitants), Frans Desmedt (DVD), qui propose de mettre à disposition des locaux municipaux pour favoriser la vaccination du plus grand nombre mais qui se heurte à un refus du préfet. À Montataire, toujours dans l’Oise, une demande a été faite pour un centre de vaccination. Mais elle a été freinée en raison d’une problématique d’approvisionnements. Dans le Nord, le maire communiste de Saint-Amand-les-Eaux, Alain Bocquet, avait lui aussi proposé vainement l’ouverture d’un « vaccinodrome » dans sa commune. Il s’y passe tout le contraire et le député du Nord, secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, ne cache pas sa colère. « Le centre de vaccination sera limité à 20 personnes vaccinées par jour à partir de mercredi 20 janvier, au lieu des plus de 100 prévues ! Car ce centre, comme tous ceux du Valenciennois, subit une “ pénurie” de vaccins ! Le centre de Saint-Amand, comme beaucoup d’autres en France, doit déprogrammer les rendez-vous et les repousser à une date inconnue ! » Voilà qui, pour Jean-Jacques Pik, va à l’encontre du bon sens. Pour lui, il importe au contraire de faire confiance aux élus locaux d’autant qu’en montrant leur investissement, ils ne peuvent que contribuer à entraîner les personnes récalcitrantes au vaccin. Le docteur Loïc Pen, médecin urgentiste à l’hôpital de Creil, est du même avis. Avant que soient connues les déprogrammations de certains centres (c’est le cas dans le Nord à la demande de l’ARS depuis ce 21 janvier), il déplorait le nombre très insuffisant de personnes vaccinées depuis le début de l’année sur l’ensemble du territoire français. Certes, il existe un vrai problème logistique lié à certains vaccins (notamment celui produit par Pfizer qui nécessite d’être conservé à une température très basse), cela devrait donc s’améliorer dès que les autres vaccins seront autorisés. « Il n’empêche, dit Loïc Pen, tout cela manque de coordination. On retrouve les mêmes problèmes que ceux que nous avons rencontrés avec les masques et les tests. » « Quoi qu’il en soit, défend le médecin, si l’on manque de certitude sur le vaccin en lui-même et sa capacité à immuniser à terme, il est au moins certain qu’en vaccinant d’abord les personnes les plus âgées, cela va sauver beaucoup de monde. »
Remettre en œuvre les DDAS et les DRASS
Pourquoi alors s’obstiner à refuser une politique de vaccination massive et la mise en place de vaccinodromes ? « C’est la stratégie qui a été choisie par l’Allemagne et cela a bien fonctionné », observe Loïc Pen. Les opposants à cette stratégie objectent l’expérience qui a été faite en 2009 lors de la vaccination contre la grippe H1N1. Un argument que l’urgentiste ne peut entendre. « Si l’on peut reprocher des choses à la ministre de l’époque, Roselyne Bachelot, ce n’est certainement pas le fait d’avoir organisé une vaccination à grande échelle et d’avoir commandé trop de vaccins. On s’attendait alors à une épidémie importante qui finalement n’a pas eu l’ampleur que l’on craignait. Mais l’exemple des “vaccinodromes” n’a rien de répulsif. Au contraire, il avait bien fonctionné. » Sauf qu’il y a dix ans, les agences régionales de santé n’étaient pas encore installées (cette installation date d’avril 2010). Au moment de la grippe H1N1, on avait affaire à des services déconcentrés de l’État : les DDASS et les DRASS (Directions départementales - ou régionales - des affaires sanitaires et sociales). Les ARS ne jouent en aucun cas le même rôle. « Il faut remettre ces directions en œuvre » plaide Loïc Pen. Reste bien sûr qu’une vaccination de grande ampleur nécessite un approvisionnement suffisant en termes de doses. Encore faut-il changer de culture et faire en sorte que le vaccin devienne un bien commun et non un objet de profit. « Le PCF demande que tous les laboratoires puissent produire les vaccins validés par la Haute autorité de santé. Ils peuvent être réquisitionnés en cas d’urgence sanitaire. Les vaccins doivent devenir des biens communs, libérés de leur brevet et mis dans le domaine public pour que chaque pays, partout dans le monde, puisse en produire en quantité suffisante, largement, au plus vite, pour protéger toute la planète. Des chercheurs, des scientifiques, des pays comme l’Afrique du Sud l’exigent », assène Fabien Roussel.
« Bien public mondial »
Pour Thierry Aury, secrétaire de la section PCF de Beauvais, « cela donne encore plus d’actualité à la pétition lancée à l’échelle européenne par le Parti communiste français et plusieurs organisations politiques, syndicales (CGT, FSU, Solidaires, Médecins urgentistes...) et associatives (Oxfam, Convergence des services publics...), sous le mot d’ordre : “Pas de profits sur la pandémie !” pour que le vaccin devienne “un bien public mondial” et échappe à la “big pharma”, aux requins des grandes sociétés pharmaceutiques ». Rappelons que cette pétition, lancée en fin d’année dernière, demande de mettre fin aux systèmes de brevet et de propriété intellectuelle sur les vaccins afin qu’ils deviennent des « biens publics mondiaux », librement accessibles à toutes et tous comme demandé par l’OMS en mai dernier. Elle exige de la Commission européenne la transparence sur les contrats signés avec les grandes sociétés pharmaceutiques, alors qu’actuellement, même les députés européens ne peuvent en avoir copie. Cette pétition propose aussi de créer un pôle public de la recherche, de la production et de la distribution du médicament et du vaccin pour répondre aux besoins de la population et pas à des intérêts financiers à court terme.
Pour signer la pétition : https://noprofitonpandemic.eu/fr/.