Réflexion sur la crise sanitaire

Et si on faisait tourner la terre un peu plus vite ?

par MICHEL CUCHEVAL
Publié le 30 avril 2020 à 13:03

Les lecteurs de Liberté Hebdo le savent bien, le gouvernement navigue à vue, entre les chausse-trappes que lui-même et ses prédécesseurs ont creusées. Crise imprévisible ? Allons donc ! Du Sida au H1N1, en passant par Ebola et la « maladie de la vache folle », les risques de pandémies s’accentuent depuis des années, sans que les avertissements des épidémiologistes soient écoutés. Les causes du phénomène sont identifiées : les concentrations humaines en mégapoles marquées par la pauvreté, les mobilités accentuées par la mondialisation, la déforestation amazonienne et le réchauffement climatique qui induisent des mutations accélérées du monde vivant, particulièrement des micro-organismes.

Sur tous ces points, en n’oubliant pas les foyers de guerre, on retrouve les méfaits du développement anarchique du capitalisme mondialisé et de son interminable crise. Au lieu de remettre en cause ce système, la plupart des gouvernements de la planète, y compris le nôtre, ont choisi de garder le même cap, en remettant en cause les acquis sociaux, en torpillant les services publics, en renforçant la primauté de la finance sur l’homme.

En France, les pénuries de masques, de tests, de personnels soignants, de lits hospitaliers... ont été délibérément organisées à coups de restrictions budgétaires. Le refus de la majorité LREM de rétablir un ISF modernisé, qui pourrait rapporter 25 milliards d’euros, caractérise cette orientation. La crise du Covid-19 sert de tremplin à la remise en cause des libertés, du droit du travail, des prérogatives des Prud’hommes, à l’accélération de la privatisation des services de santé...

À quoi ressemblera « le monde d’après » ? À ce que nous en ferons, à ce que les peuples en feront.La « classe politique » médiatisée regarde ailleurs. Pourtant, certaines idées font leur chemin. Lentement. Dominique Bourg (philosophe, professeur honoraire à l’université de Lausanne) écrit ainsi : « On a cru qu’il fallait presque faire disparaître les États, alors qu’il saute aux yeux aujourd’hui que le marché ne peut pas gérer les situations de crise. » Mais c’est pour ajouter aussitôt : «  Il faut un corps bien doté de professionnels de l’intérêt général. » Derrière le constat indéniable, la lutte des classes est escamotée au profit d’une simple expertise technique. Cette dernière fondée sur l’existence supposée d’un « intérêt général ».

La montée des fascismes, les élucubrations de Trump, les bellicismes actifs au Moyen-Orient, l’accroissement des inégalités, devraient pourtant suffire à ouvrir les yeux sur la nature des antagonismes de classe. Un coup d’accélérateur s’impose. Changer les bases du projet européen, rechercher de nouvelles alliances avec les pays du Sud, faire en sorte que l’argent public versé aux grandes entreprises les contraigne à une mutation sociale et environnementale progressiste. Tout cela est possible, maintenant. Mais « c’est un rapport de forces initié par l’unité populaire qui peut le permettre dans une visée de changement de pouvoir et de société » comme le soulignait Patrick Le Hyaric dans l’Humanité Dimanche du 23 avril.

Du pain sur la planche.