Logement social

Pourquoi il faut une politique de gauche

par Philippe Allienne
Publié le 4 juin 2021 à 14:47

La séance plénière du conseil départemental du Nord du 17 mai, la dernière avant la fin de la mandature, a donné un exemple frappant de la politique de droite. À l’ordre du jour, le rapprochement d’un bailleur social public et d’un organisme privé.

La loi « Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique  », dite loi Elan, a été promulguée le 23 novembre 2018. Elle est l’une des œuvres de la politique macroniste qui, dès juillet 2017 (deux mois après l’élection présidentielle) s’attaquait à l’APL (l’aide personnalisée au logement). Il s’agissait alors de réduire cette aide de cinq euros par mois, à partir d’octobre de la même année et au grand dam des étudiants. La réforme avait fait grand bruit et le gouvernement y était allé de sa suffisance et de son mépris en estimant qu’un étudiant pouvait bien se passer de cinq euros par mois (soit 60 euros par an).

Destruction du modèle de logement social

Cette coupe budgétaire, censée faire économiser 390 millions d’euros par an à l’État, ne concernait en fait pas que les 800 000 étudiants qui touchaient alors les APL. Pour y prétendre, il n’y en effet pas d’âge minimum ou maximum. L’APL est attribuée « sous conditions de ressources et conformément à certains plafonds variant en fonction de la composition du foyer et du lieu de logement  ». Il n’empêche, la réforme est passée et d’autres ont suivi. Cela a conduit à augmenter le taux d’effort des ménages et à diminuer les capacités de financement des organismes HLM. Les aides à la pierre ont été atrophiées, le modèle du logement social a été durablement déstabilisé. Il faut savoir que la loi de Finances pour 2018 a instauré le régime de la Réduction de loyer de solidarité (RLS) permettant de compenser la diminution de l’APL, à la charge du bailleur. Dernier étage de la politique de destruction du modèle de logement social, conduit sous le mandat d’Emmanuel Macron : la loi Élan. Celle-ci porte dans ses lignes la voie vers la privatisation. Elle incite les bailleurs sociaux publics qui gèrent moins de 12 000 logements à se regrouper. Il s’agit en principe de faire face aux différents coûts induits par l’intégration des nouvelles technologies dans la construction et la maintenance des logements. Dans le Nord, ces dispositions ont conduit le bailleur social Partenord Habitat ( avec lequel travaille le Département du Nord ) à fusionner avec l’Office Habitat Saint-Quentinois (plus petit). La fusion à été approuvée par le conseil départemental lors de sa réunion du 7 octobre 2019 pour entrer en application en janvier 2020. Les choses auraient pu en rester là.

Une SAC entre public et privé

Mais, le conseil départemental présidé par Jean-René Lecerf a estimé que Partenord Habitat et la société privée Vilogia SA, principaux bailleurs sociaux et constructeurs de la région, avaient intérêt à « agir de manière plus concertée dans le Nord ». Il s’agit cette fois, lit-on dans un rapport présenté aux élus le 17 mai dernier, « de mieux faire face aux différents enjeux se posant à la fois sur le parc public, le parc privé ancien, la lutte contre la déprise des bourgs, la précarité énergétique, les alternatives à l’hébergement et le développement des autonomies ». Derrière ce langage compliqué se cache la volonté de la loi Élan et de la politique du gouvernement : aller vers la privatisation du parc de logement social. Dans le cas présent, on n’en est pas tout à fait là. Il s’agit en fait de créer une société anonyme de coordination (SAC) associant le bailleur départemental Partenord et le groupe privé Vilogia SA. Mais on comprend la logique. Dans l’hémicycle, ce 17 mai, l’opposition de gauche n’a pas voulu s’en laisser compter. Charles Beauchamp, président du Groupe communiste, républicain, citoyen et apparenté, est notamment intervenu pour rappeler que «  les intérêts et la logique du groupe privé Vilogia SA sont différents de ceux de Partenord  ». Il s’est fait par ailleurs l’écho de l’inquiétude des salariés de Partenord qui dénoncent le projet de SAC. L’opposition de gauche a proposé que la décision soit reportée, en attendant l’élection de la nouvelle assemblée. Que nenni. Le président Lecerf a refusé, le vote a eu lieu, la gauche a voté contre, mais majorité aidant, le projet a bien évidemment été approuvé.