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Fabien Roussel face aux agriculteurs

Vous devrez être 500 000 en 2030 !

par Philippe Allienne
Publié le 1er avril 2022 à 11:38 Mise à jour le 2 avril 2022

Seul candidat de gauche à avoir accepté de plancher devant le grand oral du Conseil de l’agriculture française, ce mercredi 30 mars, Fabien Roussel a enthousiasmé son public.

Les dossiers agricoles, le candidat communiste connaît bien. D’abord parce qu’en sa qualité d’élu local dans le Nord, il a les pieds dans la glaise. Ensuite parce qu’il a particulièrement étudié ces dossiers lorsque, en pleine crise du lait, il s’était présenté à l’élection régionale des Hauts- de-France, il y a sept ans. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, en inaugurant sa série de meetings en octobre dernier, il avait consacré celui de Clermont-Ferrand à la ruralité. « La gauche, ça ne peut pas être que les grandes métropoles » avait-il alors dit à l’occasion du sommet de l’élevage. De fait, face aux représentants de l’agriculture française, le 30 mars, il a encore expliqué, avec délectation, les raisons pour lesquelles il avait mis « les pieds dans le plat » lors de ce fameux JT de Francis Letellier, sur France 3, le 9 janvier. « Pouvoir manger sainement, à sa faim, c’est essentiel. La souveraineté alimentaire, c’est avec des fruits et légumes, cultivés en France, et de la bonne viande provenant de l’élevage français. C’est bien cela que je voulais dire. » Il assume d’autant plus ses propos aujourd’hui qu’il y a maintenant une guerre en Europe et que se posent crûment les problèmes liés à la dépendance vis-à-vis d’autres puissances.

Relever le défi agroécologique et alimentaire

« Je défends, a-t-il poursuivi, une agriculture française respectueuse du travail des hommes et des femmes qui la font vivre, de la terre, du vivant. Il faudra pouvoir demain nourrir 67 millions de Français et de Françaises, et 500 millions d’Européens. Pour nous, c’est une priorité. » Or, insiste- t-il, avec moins de 500 000 agricultrices et agriculteurs aujourd’hui et sans doute moins de 350 000 en 2030, on ne peut tenir. « On aura beau dire qu’il faut transformer notre agriculture, s’il n’y a plus de bras, il n’y aura plus de production et on s’en remettra à d’autres, à des puissances étrangères. Or, quand on se rend dépendant, ça ne dure qu’un temps. Regardez ce qu’il s’est passé avec notre industrie. Qu’on cherche à la faire revenir, c’est bien, mais retrouver les savoir- faire, c’est difficile. »

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Ainsi, pour Fabien Roussel, « il faut au moins 500 000 agriculteurs en 2030. C’est le socle minimum pour relever le défi agroécologique et alimentaire ». Cela veut dire qu’il est nécessaire d’installer entre 20 000 et 25 000 agriculteurs par an. Il l’avoue, cela demande un « effort gigantesque » quand on sait qu’il ne s’en installe que la moitié actuellement. Comment faire ? « Il faut commencer par doubler les moyens de la formation agricole, doubler les moyens pour l’installation des jeunes et pour l’accompagnement des nouveaux installés. » Cela passe par la construction de lycées agricole et l’embauche d’enseignants (contrairement à la tendance actuelle qui voit plutôt des suppressions de postes). Cela veut dire aussi un salaire garanti pour les jeunes qui arrivent dans la profession et un doublement du fonds d’installation. Mais pour le candidat, il importe aussi que « notre agriculture cesse d’être une variable d’ajustement et d’être soumise au vent du marché, à la spéculation et à la concurrence, cette concurrence libre et non faussée au sein de l’Union européenne ». Depuis 20 ans, l’agriculture française n’a cessé de perdre des points. Comme l’a rappelé un participant, lors du grand oral, 50 % des poulets consommés en France sont importés et les pommes de terre produites en France sont exportées en Belgique où elles sont transformées avant de revenir sous forme de chips ou de frites. « Il n’y a pas de fatalité », répond Fabien Roussel. Cela correspond à des choix politiques qu’il faut changer.

Un fonds national de 10 milliards d’euros

Et il revient à la charge : « Il nous faut défendre l’élevage français. Ceux qui disent “il faut manger moins de viande”, je les entends. Mais qu’ils refusent de débattre sur les conditions réelles de production de la viande, je ne l’accepte pas. Manger moins de viande certes, mais en manger de la bonne et de la française issue de nos systèmes herbagers, de nos prairies. C’est aussi bon pour le bilan carbone. » Pour défendre la vision d’une agriculture et d’une alimentation durable, il propose la création d’un fonds alimentaire national doté de 10 milliards d’euros par an, ciblé sur la restauration collective et l’action des projets alimentaires nationaux. Notons que le plan « France 2030 » présenté en octobre 2021 par Emmanuel Macron, ne prévoit que 2 milliards pour l’agriculture et l’alimentation. Lutter contre les importations des produits parfois ultra-transformés nécessite de bons outils. S’il salue les actions conduites par la France, au niveau européen, pour imposer les clauses miroir et éviter les distorsions de concurrence au sein de l’Union européenne, Fabien Roussel souhaite que le concept politique s’applique au domaine commercial. Il préconise notamment d’exclure l’agriculture des accords de libre-échange. « On sait par expérience combien les règles s’effacent quand il s’agit d’ouvrir des opportunités d’exportation à d’autres filières européennes sur les marchés internationaux ! » Selon lui, il faut également prévoir de taxer directement les productions importées qui ne respectent pas nos normes, voire activer des clauses de sauvegarde quand nos filières sont directement menacées. Enfin, sur la question des prix et des revenus, le candidat plaide pour de vrais pouvoirs d’intervention publique de l’État et de la profession agricole pour encadrer les négociations commerciales, surtout lorsque les coûts de production s’envolent comme c’est le cas actuellement avec les prix de l’énergie. L’État doit garantir des prix rémunérateurs et encadrer les discussions entre les différents acteurs de la filière.

Agir sur le secteur des banques et des assurances Le programme des Jours heureux porté par Fabien Roussel propose de libérer les agriculteurs du poids des banques. Concrètement, le candidat préconise la nationalisation d’une banque qui, ainsi transformée en banque publique, pourrait garantir des prêts bonifiés, à taux négatifs. « Si l’on vous prête 100 euros et que vous n’en remboursez que 80, cela vous permet d’investir et de créer. » Après tout, fait remarquer le candidat, durant la crise du Covid, l’État a bien mis en place des Prêts garantis par l’État (PGE). Mais les prêts à taux négatif suggérés par le candidat vont plus loin. Autre contrainte financière qui pèse sur les exploitations agricoles : les assurances. Là encore, Fabien Roussel propose une compagnie publique afin de faire baisser le coût des cotisations et prendre en compte tous les aléas liés au secteur. Même les dégâts causés par les sangliers !