Près de 50 associations manifestaient contre les expulsions jeudi 26 janvier devant la gare Lille-Flandres. © Marc Dubois
Mal-logement

3 000 personnes à la rue dans la métropole lilloise

par Nadia DAKI
Publié le 10 février 2023 à 14:40

Fin janvier, la fondation Abbé-Pierre publiait son rapport annuel du mal-logement en France. Avec le constat alarmant d’un phénomène nouveau : les enfants sont de plus en plus nombreux à dormir dans la rue.

Chaque année, la fondation Abbé-Pierre dresse le bilan du mal-logement en France. Pour cette 28e édition, l’inquiétude est de mise puisque les personnes les plus vulnérables, les enfants, ne sont désormais plus épargnés. Ce qui est observé à l’échelle nationale se vérifie également sur le plan local. « On n’avait jamais vu ça avant, s’indigne Tiffany Thirolle, déléguée régionale de la Fédération des acteurs de la solidarité Hauts-de-France. Rien que pour le mois de décembre, 1 250 familles ont appelé le 115, parmi lesquelles se trouvaient 673 enfants, et ont reçu comme réponse : “Désolé, on n’a pas de place.” Ce n’est pas possible, on est en plein hiver et il y a trop de monde qui dort à la rue faute de places. » Le déficit en places d’hébergement d’urgence est une réalité. « Il y a deux ans, en pleine période Covid, on avait réussi à augmenter ce nombre de places notamment avec la réquisition des hôtels, se souvient Tiffany Thirolle. Même si certaines places sont restées ouvertes, beaucoup ont malheureusement fermé depuis. »

Une pénurie de logements sociaux

À cela s’ajoute un parc locatif social qui peine à suivre la demande. « Si on regarde la production de logements sociaux sur le territoire de la MEL (métropole européenne de Lille, ndlr), en 2021, 1 300 logements ont été construits alors que l’objectif était de 2 000. En parallèle, ces cinq dernières années, le nombre de demandes de logement social a augmenté de 9 % alors que celui des attributions a diminué de 13 %. On a un logement social en peine », regrette Tiffany Thirolle. Une inquiétude partagée par Isabelle Fourot, directrice de l’agence Hauts-de-France de la fondation Abbé-Pierre. « Les indicateurs concernant l’accès à un logement social sont préoccupants. Sur l’agglomération lilloise, on est actuellement à des délais d’attente de 18 mois en moyenne. Sans compter sur le fait que, paradoxalement, plus on est pauvre et moins on accède à un logement social à cause de critères de plus en plus restrictifs. »

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Fin janvier, avec d’autres acteurs associatifs et une vingtaine de maires, des associations ont co-signé une lettre ouverte à Emmanuel Macron où la réquisition de bâtiments vides est évoquée. « L’idée est de commencer par identifier les besoins mais surtout d’organiser des nuits de la solidarité durant lesquelles un comptage précis des personnes à la rue est effectué car les chiffres que nous avons proviennent des appels au 115 or, la moitié des personnes à la rue n’appellent même pas le 115. Cela nous permettra à terme de calibrer les actions en fonction des besoins », précise Tiffany Thirolle. L’ensemble des acteurs de la métropole lilloise s’étaient également rassemblés le 26 janvier devant la gare pour interpeller les pouvoirs publics. « Nous souhaitons que, partout dans la région, les besoins soient rendus visibles ; que n’importe quel citoyen lambda appelle le 115 pour signaler une personne à la rue ; que les personnes décédées du fait d’un parcours de rue soient également signalées auprès du Collectif Les Morts de la rue », propose Tiffany Thirolle.

Un projet de loi controversée

Ce 28e rapport sur le mal-logement s’inscrit dans le même temps que celui du projet de loi « contre le squat ». Ce qui n’augure rien de bon selon les associations. Pour Isabelle Fourot, le pire est même à venir. « On commence tout juste à constater une augmentation des impayés dans le parc locatif social. On est très inquiet quant à la fragilisation de l’avenir des locataires notamment avec l’inflation du prix de l’énergie. » La sonnette d’alarme est tirée notamment en ce qui concerne le raccourcissement des délais de recours contre les expulsions locatives. « On s’ampute d’une chance de trouver des solutions à l’amiable qui sont souvent efficaces, comme l’étalement de remboursement d’une dette ou la recherche d’un logement mieux adapté », regrette-t-elle. L’autre volet du projet de loi qui ouvre à polémique est la « création d’un délit pénal pour le locataire qui reste dans les lieux à l’issue d’un commandement de quitter les lieux délivré par un huissier, précise Isabelle Fourot. Cela peut aller d’une amende à une peine d’emprisonnement. Ce n’est rien d’autre que la criminalisation de la pauvreté ».