Fin de la trêve hivernale

Eviter les expulsions

par Philippe Allienne
Publié le 7 avril 2019 à 12:30

Après la trêve hivernale et la mise en œuvre des plans grand froid, l’arrivée du printemps sonne comme une vraie menace pour de nombreuses personnes. Travailleurs pauvres, allocataires des minimas sociaux, personnes sans papiers... Ce sont à la fois des individus et des familles entières qui sont menacés d’expulsion et de se retrouver à la rue.

Cette année, la date fatidique, celle de la fin de la trêve hivernale, a été fixée au 31 mars. Une semaine ou deux avant, en fonction des situations, les personnes hébergées dans des structures d’accueil sont prévenues qu’elles devront partir. Dès lors, la question de la solution de relogement se pose avec cruauté.

Les personnes sans domicile fixe sont les premières victimes. Mises à l’abri durant l’hiver, le plus souvent dans le cadre du plan grand froid déployé par les préfectures, il n’est pas toujours simple de trouver une solution une fois passé le mois de mars. C’est un peu pour cela que s’est constitué, en 2011 dans la métropole lilloise, le Collectif des SDF de Lille. Ce sont d’ailleurs d’anciens SDF qui l’on créé.

«  Depuis huit ans, nous sommes parvenus à reloger environ 450 personnes sur la métropole lilloise  », dit son président, lui-même ex SDF, Dominique Calonne. Le travail commence par les maraudes. C’est ce qui permet au Collectif de se faire connaître des personnes sans abri puis en luttant contre l’isolement et la solitude. Ces maraudes se déroulent d’avril à octobre dans les rues de Lille et au parc Jean-Baptiste Lebas. A la manœuvre, on trouve des éducateurs, des pairs-aidants, des bénévoles. « Pour nous, le travail de rue est un moyen, non une fin », dit encore Dominique Calonne. Il s’agit en effet de nouer des relations et de déboucher sur une action sociale. Il permet de proposer l’offre sociale disponible sur le territoire.

L’objectif le plus important est de parvenir à trouver des solutions durables pour le public concerné, c’est-à-dire, en utilisant les structures d’accueil disponible, à faire en sorte que les personnes ne retournent pas à la rue. Cela passe par la mise à jour administrative des individus (carte nationale d’identité, Caisse d’Allocations familiales, RSA, etc.). Ensuite, le collectif -et les travailleurs sociaux- recherchent le logement adapté aux revenus des personnes concernées. «  Nous recherchons dans le parc privé, tant l’offre dans le social est longue et difficile », affirme Dominique Calonne.

Il n’empêche, l’urgence est bien là, à compter du 31 mars. Alors, le collectif des SDF, comme tant d’autres structures, a adressé un courrier au préfet à l’égalité des chances pour trouver des solutions rapides. «  Il nous a répondu qu’il nous recevra avec plaisir. Mais il ne nous a pas donné de rendez-vous  », regrette le président. La loi Dalo impose au préfet de reloger, sous six mois, toute personne sans logis. Et là, on parle aussi des personnes menacées d’expulsion pour loyers impayés. Le droit à l’hébergement, jusqu’au relogement, est inscrit dans la loi.

« C’est violent »

Evidemment, il est toujours recommandé aux personnes menacées d’expulsion de se faire connaître, d’entreprendre les démarches nécessaires auprès de leur bailleur et des différents organismes sociaux. Il y aurait en fait presque toujours une solution avant la visite fatidique de l’huissier et le mise dehors avec les meubles. «  Mais, objecte Eddy Jacquemart, président de la Confédération du logement (CNL), les personnes en grande difficulté ont plutôt tendance à se refermer sur elles-mêmes. On peut les comprendre, c’est violent. » Ouvrir son courrier, se préparer en amont, monter un dossier de surendettement, échelonner la dette, les solutions existent pourtant. « Il n’en reste pas moins, observe Eddy Jacquemart, que les loyers sont chers. Et la diminution des APL, décidée bien avant le gouvernement Philippe (qui l’a aggravée) n’arrange pas les choses ».

Les réformes mises en œuvre (à commencer par la baisse des APL de 5 euros) mettent le couteau sous la gorge à la fois des locataires et des bailleurs sociaux. Ces derniers, appelés à compenser le retrait des APL en baissant le montant des loyers ont des difficultés à mener à bien les travaux nécessaires de réhabilitation, à investir, à construire. Mais en plus, la nouvelle loi Elan, sur le logement, les oblige à vendre une partie des logements sociaux.