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Bruaysis

Fausse note à la Cité des musiciens

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 10 décembre 2021 à 14:59

Située à cheval sur Bruay-La-Buissière et Divion, la rue Mozart offre un spectacle de désolation. Les habitants réclament depuis près de dix ans la démolition de cette « verrue » plantée à l’entrée de la Cité des musiciens pourtant classée à l’UNESCO.

Ils sont locataires de Maisons et Cités ou propriétaires. Ils n’en peuvent plus de subir au quotidien la présence d’une quinzaine de demeures qui semblent abandonnées à leur sort. Des grilles bringuebalantes qui peinent à sécuriser le périmètre. Des mérules du nom de ces champignons dévastateurs qui y trouvent un terrain de jeu privilégié au risque de contaminer les habitations voisines. Des débuts d’incendie et des squatteurs aussi parfois qui génèrent un sentiment d’insécurité. Et même des rats se régalant des immondices qui s’accumulent. « L’autre jour, j’en avais dans ma cour », se plaint Joye, une riveraine. « En février, un mur s’est même effondré. L’été, nous sommes de surcroît confrontés aux odeurs nauséabondes », se désole Patricia Pumarada. Elle réside ici depuis 1956 et conserve le souvenir d’« un quartier fleuri et agréable à vivre ».

Vaines interpellations

C’était avant ! Avant le classement de cette cité au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les caves de ces maisons de la rue Mozart étaient régulièrement inondées suite à de malencontreux travaux de voiries. Il y a une quinzaine d’années, Maisons et Cités, le bailleur, décidait de les libérer de leurs occupants et de les murer. Un permis de démolition était délivré en 2009. Trois ans plus tard, l’entrée dans le patrimoine mondial changeait la donne. « Deux choses sont incompatibles avec cette inscription : le délaissement et la démolition pure et simple. Celle-ci doit être au service d’un projet de revalorisation », souligne Raphaël Allessandri, directeur d’études à la Mission Bassin minier Nord-Pas-de-Calais qui joue un rôle de conseil auprès des collectivités locales. Depuis, les différents partenaires (municipalités, communauté d’agglomération, Maisons et Cités, Bâtiments de France) ont multiplié les échanges sans cependant offrir un début de solution aux habitants excédés. À plusieurs reprises, ceux-ci ont exprimé leurs courroux par voie de pétitions. La première date de... 2013. Huit ans déjà ! « Elle était adressée à Maisons et Cités et au maire de Bruay », souligne Patrick Sitkowski, son instigateur. Deux autres ont suivi, ainsi que de multiples courriers... Sans succès ! « Notre dernière rencontre date de 2020. Le blocage viendrait des Bâtiments de France », commente Jacky Lemoine, le maire de Divion. « On a parfois tendance à charger l’UNESCO. Le blocage n’a pas toujours une source unique. C’est plus complexe. Lorsque les collectivités locales ont accepté l’inscription, elles se sont aussi engagées à gérer ce patrimoine », rappelle Raphaël Alessandri.

Un espoir ?

La municipalité de Divion se veut toutefois optimiste. « D’après les derniers échos que j’en ai, ce dossier serait en voie de résolution. Un accord devrait être trouvé en vue d’une démolition et d’un réaménagement paysager », poursuit Jacky Lemoine. Directeur territorial à Maisons et Cités, Pierre-Antoine Randour se veut lui aussi rassurant. Il confirme : « Au fil du temps, entre projets de démolition et de réhabilitation de l’ensemble immobilier, des volontés contradictoires se sont entrechoquées. Mais aujourd’hui, c’est acté : 16 logements de la rue Mozart et 24 logements de la rue de la République à Bruay, seront détruits. Il restera à définir la nature de l’aménagement paysager. » Contactés, les Bâtiments de France réservent leurs commentaires. À ce jour, aucun des acteurs de ce dossier brûlant ne semble cependant en mesure de présenter un échéancier. « Ici, c’est Sarajevo ! Aussi nous ne pouvons plus nous contenter de réponses évasives », soupire Patrick Sitkowski. Fin octobre, il a écrit à l’architecte des Bâtiments de France à Arras et s’apprête désormais à solliciter l’Agence régionale de santé (ARS). Cette situation « jette l’opprobre sur l’inscription à l’UNESCO. A travers celle-ci, il s’agissait de revaloriser un patrimoine parfois décrié. Ici on a l’effet inverse. C’est dommage », philosophe Raphaël Alessandri. Venu en soutien des habitants, Cédric Delelis du PCF de Divion trouve « cette situation inadmissible ». Émeline Delplanque, la secrétaire de section par ailleurs élue d’opposition, devrait d’ailleurs intervenir sur le sujet lors du prochain conseil municipal, début décembre. « Nous en avons assez. S’il le faut, nous sommes prêts à faire davantage pour obtenir satisfaction », déclare Patricia Pumarada. Création d’un comité d’habitants ?

Faire monter la pression

Rassemblement de protestation ? Blocage de la départementale en contrebas ? Quelle forme pourrait prendre la mobilisation si l’enlisement se poursuivait ? « Nous ne préférons pas communiquer sur le sujet », indique Émeline Delplanque. Pour l’instant tout au moins ! À suivre donc...