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Permis de louer

Le Caudrésis-Catésis déclare la guerre aux marchands de sommeil

Publié le 6 mai 2022 à 11:19

Maire communiste d’Avesnes-les-Aubert, Alexandre Basquin est vice-président en charge de l’habitat de la communauté d’agglomération du Caudrésis-Catésis (46 communes). À ce titre, il porte le dossier de permis de louer qui a été adopté par la CA2C et qui est appliqué depuis le 1er janvier de cette année. Objectif : faire la chasse aux marchands de sommeil.

Qu’est-ce qui vous a incité à permettre la mise en place d’un permis de louer dans votre agglomération ? J’ai pu mesurer, au regard de mes fonctions de vice-président, qu’il y a une problématique d’insalubrité sur le territoire, de logements considérés comme indécents. Les maires qui sont à la communauté d’agglomération sont régulièrement confrontés à cette problématique. Nous avons donc voulu nous saisir de ce permis de louer qui est institué par la loi Alur de 2004 pour essayer de faire évoluer les choses. Nous avons recensé 1 750 logements comme potentiellement indignes sur notre territoire.

Il était important de le faire à l’échelle de l’agglomération ? Bien sûr, parce que si l’on prend la question commune par commune, elle est beaucoup plus difficile à gérer par les maires. Là, en l’occurrence, les maires de l’agglomération se sont dit, pourquoi ne pas prendre la problématique en amont plutôt qu’en aval et de faire en sorte qu’un propriétaire malveillant ne puisse plus louer son bien dès lors qu’il ne l’a pas mis aux normes de décence élémentaire. Partant de ça, nous avons travaillé à la CA2C pour mettre en place le dispositif. Nous avons laissé le choix aux communes d’y adhérer ou non car nous sommes soucieux de l’administration communale. Sur les 46 communes, 29 se sont saisies du dispositif.

Avec quels premiers résultats ? Dans les deux premiers mois de la mise en œuvre du permis, une cinquantaine de dossiers nous ont été remontés. Dès lors que, sur ces 29 communes, il y a une mise en location, le propriétaire est dans l’obligation de contacter la communauté d’agglomération. Cela passe par deux procédures. Il faut d’abord remplir, dans les 15 jours, une déclaration préalable à la mise en location. Le propriétaire envoie les éléments au service de l’agglomération : un formulaire Cerfa dûment rempli, une copie du diagnostic technique (DTT) et une planche de photos de la salle de bain, du salon, de la cuisine, des chambres et des façades extérieures. Il faut en effet savoir que si les diagnostics sont obligatoires, tout le monde ne s’y soumet pas et les familles les plus fragilisées se retrouvent avec un logement dont on ne sait rien du degré d’amiante ou de plomb. Mais cela va plus loin. Parfois, il n’y a pas de bail. J’ai aussi rencontré une famille qui vivait dans un logement sans toilettes, sans eau courante et dont la toiture était ouverte ! Dans 7 % du parc privé dans le Cambrésis, il n’y a ni toilettes, ni eau courante.

5 % des logements locatifs privés sur le territoire de la CA2C sont considérés comme potentiellement indignes soit 1 750 logements. Ce taux est le deuxième plus important du département.

Et la seconde procédure ? Il s’agit de l’autorisation préalable de mise en location. Nous le faisons sur les quartiers fléchés avec des taux d’insalubrité énorme à Caudry et au Cateau-Cambrésis. Il y a une visite sur place. La police municipale vérifie. Si le logement n’est pas décent, il ne peut être mis en location.

Quel est le bilan sur les cinquante premiers dossiers ? Nous n’avons eu qu’une remarque sur un dossier incomplet. Il manquait des pièces donc tant que le propriétaire n’a pas complété, il n’a pas pu louer son bien. Notre but n’est pas de stigmatiser ou de gêner les propriétaires. Ce que nous voulons, c’est nous attaquer aux marchands de sommeil. Mais à l’inverse, les propriétaires qui sont bienveillants et qui louent des logements corrects sont satisfaits de l’application de ce permis. Le fait de l’obtenir labellise leur bien.

L’agglomération travaille aussi en relation avec la CAF et les services de l’État. C’était nécessaire de les associer ? Nous avons conventionné avec la Caisse d’allocations familiales et les services de l’État parce que nous ne sommes pas à l’abri des propriétaires resquilleurs, qui ne font pas les démarches nécessaires. Ainsi, dès qu’il y a une demande d’allocation logement, la CAF nous alerte pour s’assurer que le propriétaire a bien fait la demande de permis de louer. De cette façon, très peu de propriétaires peuvent passer à travers les mailles du filet. En fait, les marchands de sommeil vivent des allocations logement qui leur sont directement versées. Le solde versé ou pas par les locataires, ils s’en moquent. Ils perçoivent un revenu régulier et ne satisfont pas à leurs obligations. Et puis, nous travaillons avec les services de l’État car les propriétaires sont pénalement responsables. Louer un logement indigne peut leur coûter une amende entre 5 000 et 15 000 euros et trois ans d’emprisonnement.

La loi Élan a-t-elle fait changer des choses en ce domaine ? Oui, une seule : elle a retiré le parc public du dispositif. On ne peut donc s’attaquer qu’au parc privé et non au logement social public. Nous nous en tenons en fait aux résidences principales construites avant 1975 parce que c’est surtout ce parc qui est le plus fragile et c’est à partir de 1975 qu’apparaissent les premières réglementations comme celle sur portant sur l’amiante.

Quels délais vous donnez-vous pour assainir le parc ? Nous souhaitons assainir le parc de logements dans les dix ans à venir. Nous ne pouvons pas appliquer le permis de louer pour un logement déjà occupé. Il faut pour cela l’arrivée d’un nouveau locataire.

Propos recueillis par Philippe ALLIENNE