Gilets jaunes

Le gouvernement entend-il les Français ?

par Franck Jakubek
Publié le 6 décembre 2018 à 18:00

Entre colère et désespoir, les gilets jaunes essaient de sortir de la confusion où le gouvernement veut les enfermer. Les actes de violences, très largement mis en scène, servent à dénaturer le combat d’hommes et de femmes dont on ne parle jamais. Dont le premier souci est de boucler la fin du mois. Chaque mois...

Les télés ont relayé en boucle les images d’affrontement entre des militants visiblement aguerris et les forces de l’ordre samedi 1er décembre autour de l’Arc de Triomphe. Peu d’images sur les cortèges syndicaux, pourtant nombreux, et ceux des gilets jaunes qui ont pourtant fusionné dans biens des cas, comme à Lille.

Le cortège syndical à Lille le 1er décembre. Photo Marc Dubois

La pression exercée par les Gilets jaunes commence à faire sentir son effet. Un projet de moratoire de la taxe sur le carburant pour six mois est pour l’instant jugé largement insuffisant par tous les observateurs. A l’Assemblée, le groupe des Communistes et Républicains, ainsi que les Insoumis, proposent une motion de censure contre le gouvernement. Le Parti socialiste s’est finalement associé à la démarche.

Les ambulanciers déjà mobilisés vont être rejoints par les routiers de la CGT et de FO dès dimanche, puis par les agriculteurs. Les lycéens, inquiets pour leur avenir, à l’heure des voeux sur Parcours Sup, se mettent en grève partout en France. La CGT appelle à une nouvelle mobilisation le 14 décembre.

Ceux qui voudraient réduire le mouvement des gilets jaunes à la violence de quelques uns se trompent. Le gouvernement appelle désormais les partis et les syndicaux, y compris patronaux, à calmer le jeu. Reculer pour mieux sauter ?

Paris, 1er décembre. Photo Marine Boulangé
Vu d’Hirson (Aisne)

• Le mouvement se structure

Clément, 30 ans, fonctionnaire territorial

« Avec les Gilets jaunes à Hirson, le mouvement ouvre des perspectives. Que du positif ! Directement, les conversations tournent autour des revendications sur l’augmentation des salaires, la baisse des taxes injustes, faire payer les riches avec l’ISF, et augmenter les pensions et les services publics. Ici, les services publics ferment les uns après les autres. Le prix de l’essence, première revendication, est passé au second plan. Il y a une prise de conscience et une très bonne ambiance, des gens pauvres, travailleurs et dignes, qui n’en peuvent plus des privations et du mépris de Macron. Malgré la vie chère et dure, les Gilets jaunes sont heureux d’être ensemble jusqu’au bout. La mobilisation est structurée avec des travailleurs qui ont refusé notamment que le conseiller général RN s’invite sur le rond-point. Ils ne veulent pas que ce soit parasité par des politiques qui n’ont rien à voir avec le mouvement social. C’est bon enfant et inclusif sur Hirson. Samedi après-midi, malgré le froid et la pluie, c’était chaleureux. Le pouvoir d’achat est au coeur des demandes. on peut se réjouir du caractère populaire du mouvement de contestation des Gilets jaunes, et voir d’un bon oeil un réveil politique dans le pays mais ce serait faire erreur que de crier au "chaos", à "l’insurrection" ou à une situation "pré-révolutionnaire". les Gilets Jaunes crient "Macron dégage" et pas "Mélenchon président", ni Le Pen, ni Wauquiez. »

Le 1er décembre à Paris, près de l’Arc de Triomphe. (Photo Marine Boulangé)
Vu de Paris

• Une atmosphère de champ de bataille

Marine, 18 ans, étudiante originaire d’Orchies

« Je suis arrivée vers 15h30 à proximité de l’Arc de Triomphe. Je n’ai pas vu beaucoup de gilets jaunes parmi les manifestants. Ils étaient plutôt en train de regarder, par petits groupes. Il y avait quelques femmes, pas d’enfants, et heureusement. Plutôt des vieux mecs les rares jeunes étaient plutôt curieux, et inconscients, en spectateurs qui prenaient des photos et n’avaient rien à voir avec la manif. Il y avait beaucoup de barricades qui bloquaient l’avenue à différents niveaux pour empêcher les CRS mais aussi les ambulances, les véhicules de secours de passer. La fumée dégagée par les voitures en flammes masquait tout. Là où j’étais, je n’ai pas vu de blessés graves heureusement. Mais nous étions loin de l’ambiance de la manif de 2016 contre la loi El Khomri. Il y avait quelques casseurs mais là c’était vraiment pas pareil. Je n’avais jamais vu autant de « non-manifestants », les casseurs et les gens autour qui invitaient à la haine, à la violence. Très peu de banderoles Le seul slogan audible c’était « Macron démission ! ». Les Champs Élysées étaient transformés en champ de bataille. Les raisons de manifester sont justes, mais la tournure que prend le mouvement n’est pas celle que souhaitent la majorité des gens. Il va bien falloir que le gouvernement cède pour éviter que la situation ne dégénère encore plus. »

Vu de Seclin

• Gilets jaunes et CGT : des revendications communes

Jean-Paul, 67 ans, syndicaliste
A Lille le 1er décembre. Photo Marc Dubois

« Nous sommes partis à Paris le 1er décembre dans un bus, avec des camarades de Valenciennes. Place de la République, nous étions un bon 1200, avec prises de paroles, avant de partir devant le siège de l’Unedic. Nous avons eu un très bon accueil des gilets jaunes. Mon ressenti, comme celui de nombreux camarades, c’est que la mobilisation grandit autant que le ras-le-bol. Pouvoir d’achat et hausse des salaires, taxes, contrat à durée déterminée plutôt que des formes d’emploi précaires... à 90 %, les revendications des gilets jaunes correspondent à celles de la CGT ! On remarque aussi une évolution du mouvement : d’abord des Gilets jaunes centrés sur la baisse des taxes, puis le FN (RN) qui essaie de se greffer dessus en demandant la baisse des cotisations. Puis, maintenant, c’est nouveau, des revendications sur le pouvoir d’achat. J’ai l’impression que les annonces du gouvernement ne calmeront pas les choses. A Paris, nous n’avons pas été témoins des heurts. Les manifestations, toutefois, risquent de se répéter. Les transporteurs entrent dans le conflit à partir de ce dimanche. Et, avec la CGT, nous préparons une journée d’action le 14 décembre. » heureusement. Mais nous étions loin de l’ambiance de la manif de 2016 contre la loi El Khomri. Il y avait quelques casseurs mais là c’était vraiment pas pareil. Je n’avais jamais vu autant de « non-manifestants », les casseurs et les gens autour qui invitaient à la haine, à la violence. Très peu de banderoles Le seul slogan audible c’était « Macron démission ! ». Les Champs Élysées étaient transformés en champ de bataille. Les raisons de manifester sont justes, mais la tournure que prend le mouvement n’est pas celle que souhaitent la majorité des gens. Il va bien falloir que le gouvernement cède pour éviter que la situation ne dégénère encore plus. »