Il y a les sages-femmes hospitalières et territoriales (relevant des conseils départementaux) dans le service public, il y a les sages-femmes du secteur privé avec, selon la fédération à laquelle elles sont rattachées [1], deux conventions collectives différentes. Dans tous les cas, l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF) milite pour une revalorisation des points d’indice et des salaires. Les salaires ne dépassent pas 2 500 euros en fin de carrière et les heures supplémentaires ne sont pas toujours rémunérées. Les primes auxquelles elles ont droit sont la prime Veil de 90 euros et une prime dite de seconde catégorie pour travaux dangereux ou incommodes. Celle-ci est calculée sur un taux de 0,31 euro par nombre de demi journées. Avec celles qui exercent en profession libérale, elles sont un peu plus de 23 000 [2] en France (dont 97 % de femmes), un chiffre qui ne cesse de baisser en raison des conditions de travail très difficiles. Par comparaison, on recense environ 700 000 infirmiers et infirmières. Malgré son importance et le champ de ses compétences, cette profession demeure peu connue ou, plutôt, est très peu abordée dans les agendas gouvernementaux ou parlementaires. Cela explique sans doute son défaut de visibilité dans les médias. En tout état de cause, cela ne peut expliquer le mépris dans lequel elles (et ils) sont tenus. Dernier exemple en date : le Ségur de la santé.
Ségur : une occasion ratée
« Le Ségur était une occasion de reconnaître la profession de sage-femme et de la valoriser à sa juste valeur. C’est raté », regrette Adrien Gantois, sage-femme exerçant en libéral depuis six ans et président du Collège national des sages-femmes de France. « Dans l’imaginaire collectif, nous sommes toujours des accoucheuses. » Seule concession : la revalorisation de 183 euros net par mois est bien accordée. Mais elle l’est au titre des professions paramédicales. C’est justement là que le bât blesse : les sages- femmes suivent cinq années d’études dont une année de médecine avant quatre ans de spécialisation en gynécologie et obstétrique. C’est pour cette raison qu’elles revendiquent leur rattachement aux professions médicales. La profession n’était même pas représentée au Ségur. Voilà qui dément les affirmations du ministre de la Santé Olivier Véran pour qui les revalorisations sont le fruit de négociations syndicales.
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Le changement de statut demeure une revendication prioritaire et les sages-femmes regrettent que le gouvernement ne veuille le réformer. L’Organisation nationale syndicale des sages-femmes revendique qu’un acte, dès lors qu’il est pratiqué par une sage-femme ou un médecin, doit avoir la même valeur tarifaire : il requiert la même compétence et la même responsabilité. C’est ce que les représentantes et représentants de la profession ont encore martelé, ce 5 mai, lorsqu’ils ont manifesté. À Paris, devant le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche puis le ministère de la Santé, une des banderoles clamait : « On vous a fait naître, il faut nous reconnaître. » Outre l’ONSSF, deux autres organisations syndicales appelaient à la mobilisation : la CGT et l’Union nationale et syndicale des sages-femmes (UNSS). Mais, en raison précisément des effectifs de la profession, trop peu nombreux, épuisés et craignant des sanctions patronales, seules quelques centaines de personnes ont marché dans la capitale. La mobilisation en région était faible. Mais la détermination n’en était pas moins réelle.
« On nous en demande beaucoup plus pour beaucoup moins de personnel »L’une des conditions les plus pénibles est le sous-effectif. Dans le service maternité de l’hôpital de Roubaix, il arrive que, pour onze salles de travail, il n’y ait que deux sages-femmes la nuit, soit une pour trente mères. « On nous en demande beaucoup plus pour beaucoup moins de personnel » confie Mathilde*. « Notre profession reste assez méconnue. Dans l’esprit de nombreuses personnes, nous sommes des accoucheuses. » Or, outre le suivi gynécologique, la PMA etc., les sages-femmes sont habilitées à pratiquer une IVG ou encore à prescrire des contraceptions. Depuis un mois, elles peuvent aussi vacciner contre la Covid-19. La moyenne d’âge des sages-femmes en France avoisine les 41 ans, une profession vieillissante qui s’explique par les conditions d’exercice qui freinent les jeunes. « Si je changeais, ce serait pour faire complètement autre chose, mais j’aime mon métier. » D’autres, voulant fuir l’épuisement, se réorientent vers le secteur libéral.*Le prénom a été modifié.