Le succès de la mobilisation de ce mardi n’a guère surpris Stéphane Sirot dans la mesure « où l’intersyndicale a mis le paquet sur cette journée ». Ce 7 mars rappelle « la journée mémorable du mardi 12 octobre 2010. Elle constitua l’acmé d’un mouvement contre une précédente réforme des retraites avec 3,5 millions de personnes dans les rues selon les syndicats ». À sa suite, des appels à la « grève reconductible » émanèrent dans des secteurs stratégiques (SNCF, RATP, énergie, raffineries) « de la même façon que cela se produit depuis une dizaine de jours à l’appel de certaines fédérations syndicales. Nous sommes aujourd’hui dans le même schéma qu’en 2010 avec, en amont, une succession de journées qui, malgré leur ampleur, n’ont rien donné », précise Stéphane Sirot.
Les prochains jours décisifs
Et ce dernier de se demander « ce qui se passera ces prochains jours ? Va-t-on basculer dans une autre phase du mouvement social avec des tentatives de grèves reconductibles pour modifier le rapport de force ? ». Si, en 2010, l’intersyndicale s’était disloquée avec le départ de FO, « on peut penser cette fois qu’elle poursuivra dans sa voie unitaire avec des appels à des journées récurrentes autour d’un corpus revendicatif minimal tout en laissant des secteurs professionnels se lancer dans la reconduction des grèves ».
Vers une montée du mécontentement ?
Parallèlement, la surdité dont fait preuve le gouvernement entraîne des échauffourées « comme à Paris ou à Nantes ce mardi. Forcément, l’exaspération monte. Dans la pétrochimie, des annonces de blocage ont été faites, mais de là à voir ce type d’initiatives s’inscrire dans la durée et se répéter ailleurs ? L’absence de mobilisation significative dans les universités ou les lycées me laisse tout autant dubitatif. Je ne suis pas convaincu que les conducteurs de la RATP, les cheminots s’engagent davantage s’ils constatent ne pas être suivis comme en 2019-2020 ». S’il persiste, le mouvement social pourrait cependant « en cas de saisine du Conseil constitutionnel, s’appuyer sur l’avis du Conseil d’État particulièrement critique à l’égard de cette réforme. Rien n’est encore joué ».
Passer à l’offensive
Sur le plan national, la dernière grande victoire de la classe ouvrière date de 1995. Il s’agissait cependant déjà « d’un mouvement de type défensif. Depuis une quarantaine d’années, on n’a pas connu de conflits offensifs avec des conquêtes sociales à la clé comme en mai 68. Les confédérations partageant finalement très peu de revendications communes, ceci explique peut-être cela. C’est dommage car le mouvement actuel pourrait offrir d’exposer un autre modèle sociétal avec l’idée que la population ne soit pas condamnée à vivre en permanence des processus qui dégradent les droits sociaux », commente Stéphane Sirot qui trouve cependant des raisons d’espérer à travers « l’émergence, l’automne dernier dans les raffineries notamment, de batailles autour des salaires menées avant les négociations annuelles obligatoires. Cela donnait l’impression que les salariés avaient repris goût à l’offensive ».
À lire : Quel syndicalisme en France au XXIe siècle ? par Stéphane Sirot. 6 euros. Commande auprès de l’auteur : stephsirot @ gmail.com.