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Médias

Protection des lanceurs d’alerte et liberté de la presse : un couple indissociable

Publié le 4 février 2022 à 12:34

Mardi 1er février, se jouera un acte capital pour la protection des lanceurs d’alerte, mais aussi pour les relations entre les journalistes et leurs sources, dans leur travail d’enquête. [Ce jour-là] se réunit la commission mixte paritaire qui doit tenter de trouver une position commune entre sénateurs et députés sur la « proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte », portée par le député Modem Sylvain Waserman. Un dossier suivi de près, depuis de longs mois, par une coalition de 36 syndicats et associations, constituée autour de la Maison des lanceurs d’alerte, parmi lesquels le SNJ, le SNJ-CGT, la CFDT- Journalistes et Informer n’est pas un délit. Fin novembre, le texte adopté par l’Assemblée nationale portait de réelles avancées pour la protection et l’assistance des porteurs d’alerte, ainsi que de larges possibilités pour eux de saisir la presse. En décembre, la version proposée par la commission des lois du Sénat, visiblement sensible à un travail de lobbying, notamment mené par le monde agricole, balayait ces avancées. Si la discussion du texte en séance a permis de limiter certains dégâts, le texte voté par le Sénat pose toujours de graves problèmes. Ainsi, il prive les associations et syndicats du rôle de « facilitateur d’alerte ». Ce qui permettrait pourtant de préserver l’anonymat des lanceurs d’alerte - et donc de les mettre à l’abri de certaines représailles - et de mobiliser des ressources dont ils ne disposent pas. Il leur ferme également les portes d’une aide financière, en les obligeant à rembourser la provision pour frais de justice s’ils n’obtiennent pas gain de cause, même si leur alerte a été effectuée de bonne foi. On voudrait dissuader les potentiels lanceurs d’alerte de passer à l’action qu’on ne s’y prendrait pas autrement. D’autres reculs concernent plus précisément les relations entre lanceurs d’alerte et journalistes, pourtant indispensables pour porter à la connaissance du plus grand nombre des faits d’intérêt général. Ainsi, le texte voté par le Sénat durcit les possibilités offertes aux lanceurs d’alerte de divulguer leurs informations aux médias. Elle réserve également l’immunité pénale aux lanceurs d’alerte qui ont obtenu leurs informations de façon « licite ». Ce qui ouvre la voie aux interprétations sur ces moyens « licites » de récolter certaines données. Certains scandales seraient pourtant restés inconnus s’ils n’avaient pas fait l’objet d’enquêtes journalistiques, grâce à des documents récupérés par des lanceurs d’alerte. À commencer par les Luxleaks (...). Des dangers de la Dépakine pour les femmes enceintes au témoignage d’un cadre d’EDF sur les dysfonctionnements de la centrale nucléaire de Tricastin, la presse a joué un rôle important dans la révélation de nombreux autres dossiers. Pour continuer à faire notre métier en accédant librement à nos sources, pour que la France puisse s’honorer d’accorder un haut niveau de protection aux lanceurs d’alerte, nous, syndicats, associations, collectifs et sociétés de journalistes et de rédacteurs, demandons avec force à la commission mixte paritaire de rétablir les dispositions contenues dans la proposition de loi telle qu’elle avait été votée par l’Assemblée nationale. Il en va de la liberté d’informer et d’être informé.

Tribune initiée par SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes, Informer n’est pas un délit.

Un compromis trouvé Dans un communiqué paru le 2 février, l’Ugict-CGT et le SNJ-CGT se sont félicités de l’adoption de cette proposition de loi, avec les éléments de la version initiale telle qu’ils le réclamaient, et qui permettront de « mettre fin à l’isolement des lanceurs d’alerte ». « Alors que les libertés sont fragilisées par les lois sécuritaires et la concentration des médias aux mains de quelques milliardaires, cette loi donne une bouffée d’oxygène à notre démocratie et conforte la détermination de la CGT à accompagner et défendre les lanceurs d’alerte » s’est réjoui le syndicat.