© Aurélie Dhennin
Avec leur dernier livre

Éric et Alain Bocquet plaident pour une finance citoyenne

par Philippe Allienne
Publié le 24 septembre 2021 à 12:02

« Le virus de la spéculation, de l’argent pour l’argent, est une star mondiale. Éclipsé par le coronavirus ? Non, mille fois non ! » Ainsi commence l’avant-propos de Milliards en fuite, le livre d’Éric et Alain Bocquet écrit avec le journaliste Pierre Gaumeton. Dès les premières lignes, le ton est donné. Milliards en fuite est la suite de Sans domicile fisc, des mêmes auteurs, avec des propositions contre la dérive de la finance. « La crise sanitaire a influé sur le livre qui est le fruit d’un échange à trois », explique Pierre Gaumeton. Effectivement, la première partie est consacrée à la pandémie de coronavirus et ne ménage pas ceux qui en ont tiré profit. Les groupes pharmaceutiques sont bien évidemment dans le collimateur. « Sanofi a surfé sur la déferlante du succès de médicaments grand public » lit-on par exemple dans les pages expliquant la bonne santé des pharmaceutiques et faisant le parallèle avec la manière dont a été gérée la crise. On apprend par exemple que Sanofi, toujours lui, a distribué pour 4 milliards de dividendes en 2019 (plus de 11 % de son chiffre d’affaires). « Conséquences de cette politique visant un profit à deux chiffres : des handicaps en cascade et le retard pris pour développer un vaccin “national’’ ! » Les auteurs ne manquent pas d’insister sur l’aspect « biens communs » des vaccins et militent « contre les effets d’un droit “dépassé’’ qui laisse aux monopoles privés le bénéfice des vaccins, anti-Covid en premier lieu aujourd’hui ». Les frères Bocquet insistent également contre les pertes de capacités de production dramatiquement illustrées par la pénurie de masques au début de la pandémie. Ils rappellent que nous avons plus que jamais besoin de l’État. Les prêts garantis par l’État (PGE) durant la crise l’ont bien démontré. « Avant la pandémie, commente Éric Bocquet, la dette de l’État s’élevait à 2 400 milliards d’euros. Les dettes liées à la pandémie s’élèvent à 300 milliards. Le gouvernement veut faire payer les Français au travers de la réforme de l’assurance chômage, de la réforme des retraites. »

La seconde partie du livre, la plus importante, porte sur la nécessité d’une finance citoyenne. « Il faut remettre l’économie et la finance au service de tous », écrivent-ils. Pour parvenir au but, ils proposent dix pistes, dix voies à prospecter. Ils aspirent à la naissance d’une finance éthique, « seule voie de survie pour l’humanité ». Parmi les idées qui sont avancées, on soulignera cette COP fiscale qu’ils avaient déjà imaginée en 2016 et qui a été adoptée par l’Assemblé nationale sous la forme d’une « Résolution européenne pour une conférence des partis de la finance mondiale, l’harmonisation et la justice fiscale ». Milliards en fuite propose aussi de nouvelles règles et l’instauration d’une organisation mondiale de la finance, à l’instar de l’Organisation mondiale de la santé ou de l’Organisation mondiale du commerce. Les auteurs préconisent des réformes nationales comme la création d’un pôle public financier constitué autour de la caisse des dépôts et consignations, la Banque postale et la Banque publique d’investissement. Objectif : « Orienter l’argent vers des investissements utiles à la société, aux services publics. » Ils proposent aussi, bien sûr, de réformer le système bancaire, d’interdire les transactions financières en direction des paradis fiscaux, de déconnecter les autorités de contrôle et de régulation des banques du secteur bancaire lui-même, etc. « Il faut aussi, dit Alain Bocquet, imposer un contrôle sur les banques qui mélangent argent honnête et argent sale et continuent à investir massivement dans les énergies fossiles. On ouvre le débat pour l’action. La délinquance financière tout le monde s’en fiche, il faut en faire un thème de débat de la campagne présidentielle. Bretton Woods, c’est fini, il faut tout remettre à plat. » « Le projet que porte le livre est progressiste, humaniste et révolutionnaire » assurent-ils. Et le livre se termine sur un vibrant « Engagez-vous ! » pour une révolution nécessaire, citoyenne et mondiale. C’est riche, plein d’idées, tonique, d’une lecture fluide et très agréable. À lire absolument.

Milliards en fuite ! Manifeste pour une finance éthique, Éric et Alain Bocquet, avec la collaboration de Pierre Gaumeton, éd. Le cherche midi, sorti le 6 septembre 2021, 224 pages, 17 €.