Samedi 21 janvier, gare Lille-Flandres, une vague bleu ciel a déferlé dès les premières lueurs du jour. Elle s’est rapidement scindée en deux, soit pour se disperser dans la célèbre rue Faidherbe soit pour s’engouffrer dans la première bouche de métro venue. « Je suis habitué mais, ce qui me surprendra toujours, c’est que le nombre grandit de jour en jour », constate un commerçant du grand hall de la station ferroviaire. La veille, à 1 000 kilomètres de là, l’Olympique de Marseille (OM) s’est assuré un huitième succès de rang en se qualifiant pour le tour suivant de la Coupe de France. Tout ça dans son Vélodrome, devant 60 000 spectateurs, un record à ce stade de la compétition. Bien évidemment, des Marseillais d’adoption n’ont pas résisté à l’appel, réalisant l’aller-retour en seulement quelques heures.
Des classes sociales mélangées
Dans ce beau petit monde, il est charmant de remarquer que les classes sociales se mélangent et que seul l’OM est à la bouche de tous. Pour Emmanuel, dirigeant d’entreprise, cela a coulé de source avec ses origines méridionales. « Lille est devenue un bastion extra-muros des supporters de l’OM », admet-il. Les cinq arrêts qui caractérisent les trains Ouigo lors des jours de match laissent très peu de place pour les personnes souhaitant simplement prendre un repas dans les bistrots du Panier. Ce n’est pas le bon moment, malgré les charmes que peut apporter cette ville. Les quatre heures de voyage sont plutôt l’occasion de préparer le match en parlant ballon. Et la question qui revient généralement : « Et toi, tu viens d’où ? » Les nordistes sont majoritaires, mais ils sont rapidement rejoints lorsque le TGV passe dans Paris intra-muros.
« C’est une ambiance unique, mais c’est sur- tout le moyen de partager de très bons moments avec mon fils », précise Emmanuel. Alors que celui-ci est un habitué du premier train de la journée, les trois autres ne sont pas orphelins d’Olympiens. Dans le dernier train, on rencontre Loïs, un étudiant lillois qui, après sa journée à la fac, se dépêche de descendre pour la rencontre du week-end. Il se justifie rapidement : « Marseille, c’est une ville qui respire le football. Elle est réputée dans le monde entier. L’atmosphère qui y règne est à vivre. » Les escaliers de la gare Saint-Charles descendus, chaque artère mène au stade Vélodrome. Si tu t’y perds, le vendeur ambulant, la retraitée ou le simple collégien se fera un plaisir de te montrer le chemin. « Il m’arrive parfois de descendre à l’arrêt de métro Castellane pour rejoindre par la suite le temple à pied » se réjouit d’un sourire malicieux Loïs. Le boulevard Michelet, qui s’étend sur plus de deux kilomètres, vibre à l’unisson lorsque l’OM joue. Des centaines de milliers de personnes se donnent rendez-vous pour mettre en exergue les lettres de noblesse de ce club historique.
Une passion sans limites
Une passion frénétique qui fait parfois face à certains risques. Le premier d’entre eux est financier. Entre les places de train, celles du match, la chambre d’hôtel et les repas... Difficile de ne pas mettre la main au porte-monnaie. « Mais pour notre club on ne compte pas », ajoute Emmanuel. Il y a aussi celle qui devient malheureusement évidente dans le monde du football, la violence entre les supporters. Le 5 mai dernier, l’OM s’est confronté à Feyenoord en demi-finales de Coupe d’Europe. La rencontre a été rapidement classée à haut risque par les autorités. « Je n’avais pas pensé que cela serait tendu dès la gare de Lille », commence Loïs. Les supporters hollandais ont décidé de descendre par leurs propres moyens, de quoi créer une confrontation directe avec les supporters marseillais. « C’était tendu, on était chacun dans des voitures différentes et les contrôleurs ont limité au mieux les tensions » se souvient le jeune étudiant. Une expérience qui ne va pas l’empêcher de repartir en vadrouille deux semaines plus tard pour un souvenir gravé à vie, « j’étais présent contre Strasbourg et, quand Lens a marqué à la dernière minute pour nous assurer la seconde place, j’ai cru que le stade allait s’effondrer. Je n’avais jamais connu un tel moment ». Décidément, il y a toujours quelque chose qui raccroche Marseille au nord de la France. Le 8 février prochain, l’Olympique de Marseille affrontera dans son antre le PSG pour une qualification en quarts de finale de la Coupe de France. Pas de titre sur la Canebière depuis dix ans. C’est long. Mais pas de doute pour nos aventuriers lillois, ils ne manqueront pas l’occasion de faire partie du voyage.