Triste et fade comme un baiser sans moustache, long comme un jour sans pain ... un Tour de France sans le Nord, c’est tout ça à la fois et pire encore. C’est pourtant le choix fait par les dirigeants du Tour de France qui viennent d’en dévoiler le tracé 2023.
Une nouvelle fois le choix du parcours est guidé par des injonctions mercantiles. Elles ont conduit à faire partir la Grande Boucle de Bilbao, terre noble s’il en est, mais qui ne doit rien à la légende des cycles.Ces choix maintiendront le Tour quatre jours sur les terres basques espagnoles. Nul doute que cela fera le bonheur des populations qu’il côtoiera, mais ils priveront de facto le Tour des terres qui ont forgé son histoire et son aura : le Nord ou la Bretagne.
Lorsque en 1906 le Tour vint tâter les pavés du Nord et s’épuiser sur les longues plaines picardes et l’Aisne où le vent s’érige en juge de paix, tel un sommet alpin, il y puisa son sens. Il rencontra un peuple qui lui ressemble. Un peuple dur au travail qui lui donna en 1903 son premier vainqueur : Maurice Garin alias le petit ramoneur, au visage aussi noir que ces coreligionnaires qui arrachèrent de la terre le précieux charbon qui fit la puissance de la France, la fortune des propriétaires, la fierté et la peine des mineurs. Ce premier tour de 2500 kilomètres parcourus en six étapes, Maurice Garin, déjà vainqueur de Paris Roubaix en 1897 et 98, l’avala à la moyenne de 25km/h sur un vélo à pignon fixe.
C’est au travers de ces hommes et de ces territoires que s’est bâtie ce monument national qu’est le Tour. Certes les digressions hors la France de 2023 rempliront les caisses de la société du Tour qui invoque des gains de notoriété pour justifier ces choix. L’argument ne convainc que ceux qui le proclament. En sacrifiant sur l’autel de l’argent ce qui fait l’essence et l’âme de la Grande Boucle, la direction du Tour hypothèque « à l’insu de son plein gré » son avenir. C’est une erreur, peut-être même une faute.