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Football

À Dunkerque, le lourd tribut à payer pour exister en Ligue 2...

par Patrice VERMEERSCH
Publié le 30 avril 2021 à 13:19

L’attribution in extremis d’une subvention de 820 000 euros au club de football local (USLD) lors du dernier conseil communautaire, sur fond de risque de rétrogradation en National, ne fait pas que des heureux. L’objectif était de sauver le club d’une rétrogradation administrative pour raisons financières par la DNCG [1], alors qu’il risque par ailleurs une rétrogradation sportive du fait de ses mauvais résultats.

Certes, le club local a subi les conséquences de la faillite de Mediapro qui devait amener sa manne de quelques millions d’euros à la Ligue 2. Mais après tout n’est-ce pas le lot de l’ensemble des équipes évoluant à ce niveau ? Peut-on dès lors imaginer l’ensemble des clubs en difficulté subir une rétrogradation administrative ? La majorité des agglomérations en France n’a probablement pas les moyens de se substituer aux carences du privé dans de telles proportions. Et si c’était le cas, feraient-elles ce choix politique ? Difficile à imaginer... Le monde associatif, culturel et même sportif est dans l’incompréhension. Car les fiascos répétés du monde du football professionnel inquiètent réellement. La déconnexion entre le football de haut niveau et le monde réel est de plus en plus visible... et décriée. L’appel quasi systématique aux finances publiques pour compenser les surenchères du football et ses dérives inquiète le citoyen lambda.

Une rallonge de 820 000 € !

Mais à Dunkerque, la situation est plus compliquée encore. Car si le club est toujours sous le coup d’une rétrogradation administrative, il est aussi et surtout à portée d’une rétrogradation sportive, et avec le petit point du match de ce mercredi face à Amiens, le maintien en Ligue 2 est loin d’être assuré à ce jour. Aussi, 820 000 € d’argent public supplémentaire pour accompagner une rétrogradation, cela ferait désordre... De plus, la méthode utilisée par le président de la CUD interpelle nombre d’élus, qui n’ont pas manqué de se manifester lors du dernier conseil, même si, par solidarité communautaire, la majorité d’entre eux a accepté le principe de cette subvention complémentaire. Pour certains d’entre eux, il s’agit principalement de ne pas risquer, par un refus de voter la subvention, d’assumer une nouvelle dégringolade du football dunkerquois.

Christian Devos, Président du BCM (Basket Pro A) « L’USLD risquait une descente de trois niveaux, alors, même si la somme est importante, ne pas aider le club aurait été plus grave. Peut-être que si ce problème financier nous arrivait, nous serions contents de pouvoir compter sur la CUD. Ceci dit il est vrai que face au football, nous sommes tous les parents pauvres du sport. » Oui, le foot c’est spécial, conclut-il !

Derrière ce mélodrame sportif (ou financier ?), se cache un autre problème plus politique, cette décision prise dans une urgence - pourtant évitable - pouvant créer un précédent. Car dans les coulisses, les commentaires vont bon train, notamment du côté des clubs ou associations qui ne reçoivent pas de subsides de la part de la communauté urbaine. On ne peut en effet ignorer que les actuels problèmes financiers du football professionnel étaient connus depuis fin 2020, et auraient pu à minima susciter le débat démocratique préalable. Durant les mois écoulés depuis l’annonce du fiasco financier de son principal financeur, aucun doute ne pouvait subsister quant à une issue financière catastrophique. Une meilleure réactivité aurait par ailleurs évité la prise d’une décision du conseil communautaire dans l’urgence, sous pression... et surtout sans dossier préalable ! Une commission « ressources  » réunie la veille du conseil communautaire n’a pas été invitée à aborder le principe de cette subvention. Était-il alors raisonnable d’imposer un vote couperet mettant les élus dans une situation des plus inconfortables, les rendant potentiellement responsables - dans l’hypothèse d’un rejet de la demande - de la mort annoncée du football de haut niveau à Dunkerque ? On peut comprendre cependant la position mesurée des autres représentants locaux du sport de haut niveau, à savoir le basket (BCM) et le handball (USDK). Seuls ces deux clubs ont connu des destinées européennes. Cependant, ils ne semblent pas remettre en cause cette subvention exceptionnelle à l’USLD par principe (voir encadré ci-contre), considérant qu’aucun club professionnel n’est à l’abri d’un tel problème financier.

Solidarité des clubs de haut niveau dunkerquois ?

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la « grande famille du football » ne se reconnaît pas forcément dans cette affaire de gros sous. Et des dirigeants et bénévoles des petits clubs du littoral dunkerquois ne partagent pas tous la décision. Mieux placés que quiconque pour estimer leur participation à la révélation des futurs sportifs de l’élite nationale, ils ont du mal à comprendre l’écart de traitement entre les clubs formateurs des quartiers et villages, et le club de l’agglomération. Paul Buils, président du FC Rosendaël, s’insurge : « On nous a baissé les subventions de 50 % cette année, Covid oblige, mais ça n’est pas une raison ! Si on avait un jour des problèmes financiers, on nous de- manderait plu- tôt de nous démerder. » Et il se demande si au fond cette énorme subvention n’est pas un cataplasme sur une jambe de bois. C’est dit... ! Cette situation pose aussi la question des critères du "haut niveau" à Dunkerque et son agglomération. Ainsi le cas du rugby, de ses six clubs et plus de 800 licenciés qui sont écartés d’emblée de toute possibilité de subvention. Et comme l’indique le président du RUDL, « je trouve ça fort de café, car c’est de l’argent public destiné à boucher un trou » ! Et Roger Dupont d’enfoncer le clou : « Et si on sauve le club administrativement et que l’USLD est rétrogradée sportivement... ?  » Il ajoute à titre de comparaison qu’avec 820 000 €, le rugby peut viser la Fédérale, dernier échelon avant la Pro B. Un autre monde. Enfin, derrière ce débat politico-sportif, la question du ressenti des habitants (et contribuables), mais aussi des acteurs sociaux et culturels de la communauté urbaine a-t-elle seulement été prise en compte ? Alors, quoi qu’il en coûte... Ou pas ?

Un stade tout neuf, et pourtant... La construction du nouveau stade Tribut une fois achevée permettra d’accueillir 4 200 spectateurs, soit moitié moins que le plus petit des autres stades de la Ligue 2 ! Bien loin donc derrière Ajaccio est ses 10 660 places et Toulouse et ses 33 150 places, et dans les Hauts-de-France, Valenciennes et ses 25 000 places, le pourtant coquet nouveau stade dunkerquois a bien du mal à atteindre les 2 000 spectateurs…

Notes :

[1Direction nationale du contrôle de gestion du football professionnel, le gendarme financier du football professionnel.

par Patrice VERMEERSCH