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© Collection privée Williams Nuytens

Violence dans les stades : un phénomène amplifié par les réseaux sociaux

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 8 octobre 2021 à 12:56

Agression d’un joueur lors de Nice-Marseille, envahissement du terrain à l’occasion de Lens-Lille ou encore batailles rangées entre supporters à l’issue d’Angers-Marseille. La violence s’est invitée sur les terrains de la Ligue 1 de football en ce début de saison. Sociologue à l’Université d’Artois et spécialiste du supporterisme, Williams Nuytens nous livre son analyse.

Des Lillois en parcage qui lancent des projectiles en direction de familles lensoises. Des provocations verbales des deux côtés. Des stadiers débordés. Et au final en riposte au comportement des supporters des Dogues un envahissement du terrain par les « ultras » du RC Lens. Les débordements qui ont émaillé la rencontre Lens-Lille au stade Bollaert le 18 septembre dernier, ont des raisons en partie conjoncturelles pour Williams Nuytens. « Le déploiement d’un tifo hostile aux Lillois a pu être interprété par eux comme une provocation intolérable. Le supporterisme, depuis une trentaine d’années, se définit par l’attachement au groupe : celui auquel j’appartiens ne doit pas être sali. Plus important que l’identité du club, c’est l’identité du groupe qui prévaut », souligne Williams Nuytens. Il rappelle que ces retrouvailles entre les frères ennemis du football nordiste dans un stade plein (36 500 spectateurs) ont été largement préparées sur les réseaux sociaux où les joutes verbales sont légion.

Des incidents prévisibles

Sur Facebook notamment, « il y a beaucoup d’intimidation, de provocations, parfois ça va trop loin. Je pose l’hypothèse d’une incidence manifeste criminogène de ces échanges agressifs violents susceptibles de déborder dans le monde réel », indique l’universitaire. Cette violence peut aussi s’expliquer « par des matchs qui se sont joués à huis clos pendant de longs mois ; cela a engendré de la frustration chez les supporters ». Puis Williams Nuytens d’avancer des explications plus structurelles, « plus enfoncées dans l’histoire des groupes de supporters ». Sur fond de rivalités régionales, « le dépouillement des archives policières montre ainsi que, depuis plus de 20 ans, à chaque fois les confrontations entre Lens et Lille ont donné lieu à des heurts ». Aussi ces incidents semblaient prévisibles.

Un travail de fond

Mais alors, comment prévenir ces débordements ? « Ce sport hypermédiatisé, hyperfinanciarisé génère suffisamment d’argent pour mener à bien une réflexion de fond et ne pas se contenter de discussions de comptoirs. Seuls, les clubs et les groupes de supporters ne peuvent pas tout régler. Il faut une contractualisation entre eux, la Fédération française de football et la Ligue avec l’idée d’une responsabilité partagée. Les supporters qui souhaiteraient s’affranchir de ce type de liens devront être interdits de stade », insiste Williams Nuytens. Et le sociologue de prôner une redéfinition des missions des stadiers afin qu’ils soient en mesure de sensibiliser « les supporters aux conduites à ne pas adopter dans un stade. Il s’agirait d’un exercice d’éducation au spectacle sportif afin qu’il demeure accessible à tous, aux familles notamment ».

À lire : L’épreuve du terrain. Violences des tribunes, violences des stades, par Williams Nuytens. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. Des sociétés, 2011.