© Frédéric Naveteur
Les Pierres Jumelles, dans l’Arrageois

Un parfum d’ésotérisme

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 10 septembre 2021 à 12:18

À Mont-Saint-Éloi, près du hameau d’Écoivres, les Pierres Jumelles stimulent toujours autant l’imagination de nos contemporains.

Des couronnes de paille séchée, un bouquet de fleurs, une bougie allumée disposés à leurs pieds… Un parfum de mystère flotte autour des Pierres Jumelles. Il y serait loisible d’y observer des radiesthésistes qui, pendule à la main, sonderaient les forces telluriques qui s’en dégagent. Lors du solstice d’été, il ne serait pas rare d’y côtoyer des amateurs d’ésotérisme, qui leur prêtent des vertus magiques. « Beaucoup de légendes circulent à leur propos. On y verrait la trace de personnages pétrifiés, des monuments druidiques liés aux sacrifices humains ou habités par des forces maléfiques. De nos jours encore, elles sont censées favoriser la santé », assure le Centre d’observation et d’étude archéologiques du Pas-de-Calais. Et la fécondité aussi, leur contact offrant aux femmes stériles l’opportunité d’avoir des enfants…

Rites solaires ?

Selon une autre légende, ces « Pierres du Diables » auraient été jetées là de rage par Satan en personne, s’estimant trahi par la reine Brunehaut avec qui il avait passé un pacte en vue de la construction de la chaussée éponyme reliant Arras à la côte. Une tradition orale attribue par ailleurs leurs origines à Baudouin Bras-de-Fer. Ce compte de Flandre aurait, en 862, planté à cet endroit ces deux stèles pour célébrer des victoires remportées sur le roi de France. « Cette assertion n’a aucun fondement ! » souligne François Beirnaert, chargé de mission « tourisme » à la communauté urbaine d’Arras. Selon lui, les spécialistes ont démontré qu’il s’agissait bien de mégalithes datant de 4 000 à 3 000 ans avant Jésus-Christ. Quelles étaient leurs fonctions ? « On l’ignore avec exactitude. Il s’agissait peut-être d’un point d’observation du ciel lié à des rites solaires. Des tombes ont été retrouvées à proximité, mais elles sont d’origine gallo-romaine, les Gaulois ayant l’habitude de réutiliser des sites anciens. » Il est probable que les hommes du Néolithique aient fait venir ces pierres du bois d’Écoivres voisin qui en regorgeait. « L’usage de la roue n’étant pas d’actualité dans nos contrées à l’époque, comment ces grès de trois mètres de haut et de plusieurs tonnes ont-ils été transportés ? » s’interroge Frédéric, un promeneur. « On suppose que le déplacement se faisait à l’aide de cordes en les faisant rouler sur des rondins », indiquent les archéologues.

Espace aménagé

L’endroit offre un point de vue remarquable sur les deux tours en ruines de l’abbaye de Mont-Saint-Éloi, témoins de la folie des hommes. Si cet ensemble mégalithique n’exerce pas auprès des touristes la même attractivité que Carnac en Bretagne ou Stonehenge en Angleterre, « ces menhirs demeurent une curiosité locale », poursuit François Beirnaert. D’autant qu’au début des années 2000, la commune a décidé de valoriser ce site en le municipalisant, alors qu’auparavant, « il appartenait à des agriculteurs qui se plaignaient de voir leur champ saccagé par les curieux ». Son accès en a été largement facilité. Un petit parking offre même désormais de se garer à proximité.

Pour accéder aux Pierres Jumelles d’Arras, dites aussi « Pierres d’Acq », remonter la Chaussée Brunehaut (RD 341) vers Mont-Saint-Éloi, traverser le village et prendre le premier chemin à gauche à la sortie de celui-ci.