Derrière lui, sur un pupitre, une partition de Chostakovitch veille. Au-dessus de sa tête, deux nus en noir et blanc, tout en jambes, semblent nous défier de garder les yeux sur notre hôte. Un chien affectueux vient nous bousculer de sa truffe. Nous faisons connaissance. Patrick Dorobisz nous reçoit chez lui, en toute simplicité. Lillois d’adoption, il n’a pas quitté la ville depuis 1980. À part pour une incursion chez nos voisins belges, mais de courte durée. Lille est sa ville, il le revendique. Même si ses œuvres sont plus souvent jouées à l’étranger, jusqu’à Tokyo, que dans sa ville...
Lillois d’adoption
« C’est une ville jeune, avec des étudiants, des concerts, des restos... » constate-t-il en faisant tourner la manivelle de sa machine à cigarettes. Et une ville à taille humaine aussi, qu’il sait apprécier quand il va au tabac du coin chercher son Liberté, qu’il enrage de ne pas trouver. Sa fine silhouette, longiligne, le cheveu qu’il garde long comme au bon vieux temps des seventies, une barbe en pointe qui laissent sourdre son amour de la vie, une passion pour le panache, les causes nobles, le rejet de l’injustice, le goût de l’autre et l’extrême sensibilité typique d’une âme torturée par le vent des steppes. Comme tout Polonais qui se respecte. « C’est ma langue maternelle » rappelle-t- il. Sa mère est issue d’une famille aristocratique lituanienne, son père, Polonais, est marxiste et juif. Patrick ne sera naturalisé français que bien après sa naissance. Ce qui lui vaut parfois beaucoup de paperasses et de contraintes administratives lors du renouvellement de ses papiers d’identité, comme vous l’imaginez...
Un artiste complet
Chez lui, l’identité artistique est partout. Son intérieur est comme lui, tout en profondeur. Aux confins de Wazemmes, à quelques mètres du boulevard Victor-Hugo, il a façonné un ancien labo photo, en récupérant tout l’espace pour créer un lieu de vie et d’activités pour lui et pour son épouse, Véronique Dorobisz, talentueuse pianiste, concertiste confirmée. Chacun a son espace de travail. Elle peut travailler son piano en toute sérénité, pendant qu’à l’autre bout de la maison, lui peut s’isoler aussi dans son studio. Il nous y entraîne d’ailleurs pour l’entretien. Aux murs, des instruments qui ne font pas de la figuration. Chaque objet a son usage. Beaucoup de claviers, les tables de mixage, un vrai laboratoire de sons. C’est là qu’il crée. Qu’il met la dernière main à ses objets sonores. Mais aussi qu’il boucle un chantier de deux ans. Mieux qu’une pièce, un opéra ! « Tout un monde en construction ». Il s’avance, en dévoile un peu, puis recule, remet le voile. Non, pour l’instant, il ne préfère pas raconter la trame. L’opéra restera donc un mystère, pour le moment. Mais si le directeur d’une salle s’en empare, quel bonheur pour tous. Nul doute qu’une création à Lille comblerait l’auteur. Mais, dans l’âme, à la fois universelle et slave, la Pologne le tente aussi. Qui ose gagne !
Retrouvez l’interview de Patrick Dorobisz ici et la sortie de son nouveau CD là.